TOUT EST DIT

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mercredi 18 janvier 2012

Zone euro : les limites de l'austérité

Depuis le déclenchement de la crise grecque, les Européens ne sont plus égaux devant le crédit. Sur le marché obligataire, les Allemands se financent actuellement à dix ans au taux infime de 1,75 %. Les Grecs, au taux faramineux de 28,3 %. Depuis deux ans, le pays riche emprunte quasiment gratis, le pays pauvre alourdit son fardeau. En vain. La dette publique grecque est passée de 116 % à 160 % du PIB.

Autant dire que, vu d'Athènes, quelles qu'aient été les responsabilités grecques et elles sont réelles, le principe de solidarité, pièce maîtresse de la construction européenne, est pour le moins imperceptible. Comme au Portugal, comme en Espagne, les plans d'austérité imposés à la Grèce ont, pour l'instant, eu essentiellement pour effet d'étrangler l'économie et les salaires, sans faire baisser les taux. Longtemps laxistes et brusquement sévères, les agences de notation déclassent des pans entiers du continent. Sans se soucier des efforts budgétaires engagés, ni des populations touchées.

En Grèce, la corde sociale est, dans ce contexte, largement usée. En témoignent les grèves à répétition et la contraction fiscale induite par ce coup de barre trop violent. Le risque de défaut, chaque matin, est réel. Et face à ce risque, l'Europe, jusqu'ici, n'a pas tranché. Elle n'a ni sacrifié Athènes ni sauvé les Grecs. Une bonne part des spéculations prospère sur cette hésitation. Et si l'Europe a préféré accompagner Athènes chez ses créanciers plutôt que de créer des obligations européennes, c'est parce que l'Allemagne le veut ainsi.

Or, si la corde est usée à Athènes, elle pourrait l'être dans d'autres pays dégradés vendredi. Notamment en Italie, le patient qui préoccupe le plus en raison de son économie (la troisième de l'UE) et surtout de sa dette (1900 milliards d'euros). Cette année, Rome, qui doit lever 242 milliards d'euros sur les marchés financiers, sera le premier emprunteur de la zone euro et subit des taux à 7 %, intenables à moyen terme. Dans une interview au Financial Times, hier, la fourmi Mario Monti (et non la cigale Berlusconi) a clairement demandé à Berlin de tout faire pour contribuer à faire baisser les taux. Faute de quoi, estime-t-il, l'énorme effort de discipline demandé aux citoyens ne sera plus soutenable.

Avec une Grèce aux confins de la galaxie, une Grande-Bretagne sortie de son orbite, une zone euro découpée en quatre portions par les agences de notation et un noyau dur, le couple franco-allemand au bord de la scission malgré ses velléités de fusion, l'Europe ressemble à une dangereuse centrifugeuse. Le manque de gouvernance et de convergence, désigné comme l'une des causes de la crise avec, bien sûr, l'endettement excessif, ne peut que s'accroître avec de tels différentiels. La crise, telle qu'elle est gérée, creuse le fossé et mine durablement les chances de croissance.

Lors des guerres balkaniques des années 1990, l'Europe politique peina à éteindre l'incendie qui se propageait à ses portes et il fallut l'intervention américaine pour arrêter les responsables du nettoyage ethnique. Aujourd'hui, alors que l'incendie financier menace Athènes et Rome (et en fait tout le monde), le salut, on le sait, ne viendra pas de Washington. Le décrochage de la France charge Berlin d'une responsabilité particulière. Car sans relance, la rigueur exigée par l'Allemagne ne sera synonyme que de déflation. Un mot encore plus redoutable que l'austérité.

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