mardi 27 décembre 2011
Signal d’alarme
Dans les milieux autorisés, on s’autorise à penser (comme disait Coluche en se moquant gentiment des périphrases journalistiques) que les Restos du Cœur sont un indicateur. Leur succès est le signe d’un échec. Et non seulement ils ne désemplissent pas, mais ils affichent presque complet. Une fréquentation en progression de 25 % en trois ans : nombre d’établissements se réjouiraient de ce résultat quand celui-là préférerait tirer le rideau de fer faute de clients.
Le rouge est donc mis. Les prolongements de la « crise » de 2008 sont sur le point de déborder une institution — non-gouvernementale — de la pauvreté. Il n’est plus possible, pour les Restos, de rester une entreprise marginale capable de compenser le déficit de solidarité d’une société qui ne fait pas de quartiers. À leur corps défendant, ils sont devenus « trop» indispensables. Et l’appel à la générosité nationale que leurs responsables ont lancé pour trouver cinq millions supplémentaires résonne comme un signal d’alarme : le pays ne peut plus compter sur quelques-unes de ces associations « exceptionnelles » — comme l’a qualifiée le président Sarkozy — pour relever le défi posé par l’augmentation exponentielle des personnes en situation de précarité, voire de danger.
« Aujourd’hui, on n’a plus le droit d’avoir faim, ni d’avoir froid », chantent toujours Les Enfoirés, vingt-six ans après l’écriture d’une chanson qui espérait provoquer un déclic, et rester éphémère. Comme une évidence oubliée… À quatre mois de la présidentielle, ce refrain devrait résonner dans la tête de tous les candidats comme une musique entêtante. Pas pour les culpabiliser à bon compte, pas pour tirer des larmes misérabilistes et pas davantage pour inspirer des déclarations pleines de bons sentiments aussi indiscutables que sans lendemain en pleine période des fêtes. Non, c’est bien un sursaut politique qu’exige la situation concrète des 860 000 bénéficiaires — dépasseront-ils bientôt le million ? — qui se résignent — c’est le verbe approprié — à venir manger aux Restos du Cœur. Ce n’est pas une affaire d’argent mais de réalisme. Au moment où l’Insee confirme, pour novembre, une aggravation de l’augmentation inexorable du chômage, il est temps de se préparer à affronter sans faux-fuyants de pure communication, et sans slogan commode, la vérité d’un pays qui se fracture sous nos yeux. Et d’envisager comme un programme prioritaire de combattre le sauve-qui-peut qui le guette.
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