jeudi 29 décembre 2011
Réveiller la citoyenneté
Il y a peu, ce fait divers bien banal et pourtant riche d’enseignements : une fillette de 9 ans arbore à l’école un maquillage provocant qui lui vaut un avertissement de la directrice. Fureur de la mère qui parle de « discrimination » et invoque le droit de sa fille au libre choix de son image. L’enfant est réputée « autonome » et il n’y a donc qu’à s’incliner puisque telle est sa volonté.
Ajoutons-y un souvenir récent de voyage en train. Deux très jeunes filles échangent si bruyamment qu’au bout d’une heure de trajet, je décide de les appeler, d’un ton aimable, à plus de discrétion. Réaction presque indignée et empreinte d’arrogance : « Mais Monsieur, si on vous dérange, vous n’avez qu’à changer de place ! » Je n’y avais pas pensé…
Dans les deux cas, se trouve revendiqué le droit à la singularité, au nom du respect de l’authenticité de chacun. « Prenez-moi tel(le) que je suis et veux être. » Une célèbre enseigne de restauration rapide l’a bien compris qui nous invite à venir dans ses établissements « comme nous sommes ».
Sans leur accorder plus d’importance qu’ils n’en méritent, on ne peut s’empêcher de voir dans ces deux faits comme la métaphore de la difficulté actuelle à vivre ensemble. Si le problème n’est en rien nouveau, l’est en revanche l’écart croissant entre l’individu, plus sûr que jamais de son bon droit (confondu avec son désir) et le « faire société », impliquant mise en sourdine des particularités au profit de la généralité incarnée dans la citoyenneté.
Dans un contexte culturel où les individus peinent à se rassembler dans des structures plus larges (parti, syndicat, église, Nation…), ce problème s’apparente à la quadrature du cercle. Une chose semble acquise : on n’en reviendra pas au « vieux » social dans lequel les individus disparaissaient comme sucre dans l’eau. La cohésion s’opérait par fusion dans une masse de labeur et souvent de combat. Ce modèle est aujourd’hui périmé, rendu caduc par la revendication des particularités de chacun.
Le défi est de parvenir à trouver la formule permettant de concilier, de manière équilibrée et stable, l’initiative d’individus autonomes et l’action collective. Cette tâche redoutable prendra probablement des décennies. Les contours du nouveau modèle s’en esquissent au sein du vaste monde associatif. Par exemple, à Amnesty International dont les membres, souvent « individuels », collaborent avec efficacité dans une oeuvre puissamment collective. On peut aussi citer le Pacte civique, groupement d’associations présidé par Jean-Baptiste de Foucauld, qui entend allier, en temps de crise, transformation collective et changement personnel.
Cela dit, ne nous payons pas de mots. S’agissant de la grande société, de la société politique, de la Nation et de l’espace public, dont l’appartenance n’est pas affaire de choix, on ne fera pas l’économie d’un passage obligé par le statut de citoyen. Un choix de société exigeant de tous l’arrachement aux particularités pour entrer en généralité. À l’heure où la citoyenneté s’éveille dans tant de pays, pourquoi ne se réveillerait-elle pas chez nous ?
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