jeudi 29 décembre 2011
Les candidats lilliputiens gênent Nicolas Gulliver
Etre le seul candidat de son camp afin d’arriver en tête lors du premier tour de l’élection présidentielle et créer ainsi une irrésistible dynamique pour le second, fut la stratégie gagnante de Nicolas Sarkozy en 2007. Une stratégie à laquelle il croit toujours mais qu’il aura, semble-t-il, malgré le retrait prématuré de Jean-Louis Borloo, beaucoup de mal à renouveler en 2012. Reste bien sûr François Bayrou (voir dans Présent de mardi) dont la cote, en hausse continue dans les enquêtes d’opinion, atteindrait 15 %. Mais ce dernier, qui paraît mordre avec la même appétence dans l’électorat PS que dans celui de l’UMP (réunissant centre gauche et centre droit), préoccupe pour le moment beaucoup moins Nicolas Sarkozy que les minuscules candidats à droite de l’UMP ou prétendant capter des voix sur le terrain de cette dernière pour un ailleurs improbable.
Parmi ces candidatures certaines ressemblent fort à des règlements de compte. Bien sûr Christine Boutin veut se battre pour « porter les valeurs de la démocratie chrétienne » – elle a fondé pour cela le Parti chrétien démocrate (PCD) –, une sensibilité politique dont les électeurs, sans se définir explicitement ainsi, paraissent plutôt se reconnaître dans la démarche de François Bayrou. Même si ce dernier, catholique pratiquant affirmé, se revendique dans son action politique d’une laïcité à la neutralité intransigeante, refusant toute référence publique à son identité religieuse. Cette réserve pourrait justifier la candidature de Mme Boutin. D’autant que celle-ci a d’excellentes idées à promouvoir : « l’inscription du mariage composé d’un homme et d’une femme dans la Constitution » et « l’inscription des racines judéo-chrétiennes de l’Europe dans les futurs traités européens ». Toutefois Christine Boutin porte aussi une rancune tenace à Nicolas Sarkozy, coupable, lors du remaniement de 2009, de l’avoir virée sans trop d’égards du gouvernement où elle détenait le portefeuille du Logement et de la Ville, alors qu’elle souhaitait y demeurer. Sa difficulté actuelle à trouver les 500 signatures nécessaires, qu’elle impute à une manœuvre élyséenne, exacerbe sa mauvaise humeur vis-à-vis du chef de l’Etat. Au point de le menacer, il y a quelques jours, de lâcher « une bombe atomique en pleine campagne électorale » (voir dans Présent de vendredi dernier l’article de Jeanne Smits). Si l’Elysée continue à lui faire des misères, Mme Boutin se propose en somme d’hiroshimatiser la Sarkozie. Rien de moins… A l’entendre on pense à la chanson de Boris Vian, « La java des bombes atomiques » :
Mon oncle un fameux bricoleur faisait en amateur
Des bombes atomiques
(…)
Pour fabriquer une bombe A, mes enfants croyez-moi
C’est vraiment de la tarte
La question du détonateur se résout en un quart d’heure
Mais une chose me tourmente
C’est que celles de ma fabrication n’ont qu’un rayon d’action
De trois mètres cinquante
Sarkozy ne s’inquiète pas trop de la bombinette de tante Christine, au rayon sans doute encore plus limité que celle du tonton de Boris Vian. D’autant que la fabricante de bombes atomiques a prévenu qu’elle se montrerait « raisonnable » si d’aventure Nicolas Sarkoy se trouvait en passe d’être menacé par Marine Le Pen. Le seul parti que Mme Boutin souhaiterait vraiment désintégrer, c’est le Front national. Mais la formule de la bombe anti-Marine, que tous les partis de l’UMPS cherchent désespérément, n’a pas encore été trouvée. Si la bombinette B est au mieux un pétard mouillé, Christine Boutin nous aura au moins démontré que dans cette compétition qui s’annonce à couteaux tirés elle n’entendait pas laisser à Jean-Luc Mélenchon ou à Eva Joly le monopole de l’outrance verbale.
Dominique de Villepin plane…
La rancune et la vengeance à l’égard de Nicolas Sarkozy, quoi qu’en dise Dominique de Villepin, ne sont sans doute pas absentes de la candidature « surprise » de celui-ci, annoncée le 11 décembre dernier. Une candidature, assure Villepin, uniquement motivée par « le devoir », « la volonté de servir », et de s’opposer « à la Républiques des partis » qui selon lui dictent leur choix aux électeurs. « Ce n’est pas à l’UMP de choisir le président de la République, ce n’est pas au parti socialiste, pas plus qu’au MoDem ou au Front national, c’est aux Françaises et Français ! (…) Je ne veux pas que cette élection présidentielle soit kidnappée par les partis politiques. » Ce qui ne sera évidemment pas le cas avec Dominique de Villepin puisque celui-ci n’a plus de structure politique. Dans la tradition gaullienne qu’il revendique, l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac se pose donc en candidat planant « au-dessus des partis », réaffirmant, chaque fois qu’on lui tend un micro, sa détermination d’aller « jusqu’au bout » de la course élyséenne. Bien entendu, au passage, et bien que tous deux aient soi-disant fumé le calumet de la paix, Dominique de Villepin ne manque pas de décrocher quelques coups de pieds dans les tibias de Nicolas Sarkozy : « Nous avons aujourd’hui, il le revendique, un président de droite. La France ne peut pas vivre avec un président hémiplégique qui représente une seule partie des Français. (…) Il faut un président qui rassemble. » Sarkozy, lui, disperse…
Hormis le désir toujours vif d’embêter l’actuel chef de l’Etat, il se pourrait aussi que la candidature de Dominique de Villepin réponde à un autre objectif… faire diversion aux casseroles qui tintinnabulent avec insistance derrière lui : hier Clearstream, aujourd’hui les valises de Robert Bourgi et l’affaire Relais et Châteaux. Peut-être également, appeler à l’aide sous forme de chantage à l’adresse du président de la République : ou tu viens à ma rescousse, ou je continue à t’embêter… Des considérations effectivement très au-dessus des partis…
Dans les eaux profondes des sondages
Guignant un peu le même électorat que l’ex-Premier ministre – celui de Français à la fibre nationale mais que leur gaullisme invétéré empêche de rejoindre Marine Le Pen – Nicolas Dupont-Aignan se revendique, lui, comme « souverainiste et gaulliste social ». En 2007 il avait quitté l’UMP pour fonder Debout la République. Debout, et même grimpé sur la statue du général, atteindra-t-il cette fois la queue du Mickey ? C’est-à-dire son paquet de 500 signatures qu’en 2007 il avait raté. Les sondages lui donnent actuellement 1 % des intentions de vote. Un début que Dupont-Aignan semble trouver plutôt encourageant. « Je ne peux que progresser », se réjouit-il. Ou rester définitivement en rade…
1 %… On ne peut guère descendre plus bas. Eh bien si : c’est le cas d’un autre Lilliputien, le patron du Nouveau Centre, Hervé Morin, que les sondeurs, au vu de ses résultats, ont méchamment surnommé Mister Zéro. A la tête d’un groupuscule « dont la force est de compter dans ses rangs 39 parlementaires », Hervé Morin « n’a pourtant reçu le soutien que de 17 d’entre eux ». Des soutiens qui, en outre, rétrécissent au lavage (de tête) puisqu’ils ne sont plus, au dernier pointage, que treize. (Un chiffre porte-bonheur, dit-on.) Expert en chevaux, Hervé Morin risque de vider les étriers avant même de quitter l’écurie. Désarçonné en quelque sorte par son propre parti…
Il y a aussi le candidat de Chasse Pêche Nature et Traditions (CPNT) qui, en 2007, avait réuni sur son nom 1,15 % des suffrages. Mais qui espère cette année retrouver les 4,23 % obtenus par son prédécesseur, Jean Saint-Josse, en 2002. Toutefois, avant de participer à la chasse aux électeurs, Nihous doit d’abord aller, comme les autres concurrents, à la pêche aux signatures. Une pêche qui pour lui non plus ne s’annonce pas vraiment miraculeuse.
1 % par ci, 2 % par là… Si tous ces minis candidats s’alignaient sur la ligne de départ, ils pourraient facilement confisquer pour le premier tour 5 à 8 % des voix éventuelles de Nicolas Sarkozy. Une perte de gain qui, si selon toute probabilité Marine Le Pen et François Bayrou continuent de grimper, peut se révéler bien embêtante pour le candidat de l’UMP. Le Gulliver de l’Elysée entravé lors du premier tour par cinq minuscules candidats ? Cinq Lilliputiens du suffrage universel ? Dans les fiches de littérature que Carla Bruni prépare pour son époux, il va falloir qu’elle se dépêche de lui en rédiger une sur Jonathan Swift.
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