Le ministre des Affaires étrangères d'Ankara était mardi à Damas pour exiger du président syrien Bachar el-Assad la fin de la répression, qui a déjà fait plus de 2000 morts.
Que le président syrien renvoie «immédiatement ses soldats dans leurs casernes et libère tous les prisonniers»: c'est, en substance, les propos que Hillary Clinton a adressés à son homologue turc dimanche, lors d'un long entretien téléphonique, a résumé Mark Toner, porte-parole du département d'État. «Elle a demandé au ministre des Affaires étrangères de répercuter ses messages au président syrien», a-t-il déclaré.
Avant le départ d'Ahmet Davutoglu, l'augmentation du trafic diplomatique à Ankara a montré l'intérêt que portaient les Américains à cette visite. Le délégué américain aux Affaires moyen-orientales, Fred Hof, se trouvait également à Ankara lundi. Selon les médias, les autorités turques se seraient bien passées de la divulgation de ces deux informations, craignant qu'Ahmet Davutoglu ne soit perçu à Damas comme «l'émissaire des Américains», ce qui réduirait encore ses chances de réussite.
«Un message ferme»
Le premier ministre turc avait annoncé, samedi, qu'il était à «bout de patience» face au bain de sang syrien et qu'il dépêchait son ministre des Affaires étrangères afin de transmettre «un message ferme» à Damas. Le régime syrien a aussitôt rétorqué, par le biais d'un des conseillers du président, que la «réponse serait encore plus ferme». Il a tenu parole. Mardi, selon l'agence officielle syrienne, Bachar el-Assad a répondu au ministre turc qu'il n'allait «pas fléchir dans la poursuite des groupes terroristes», qualificatif donné aux manifestants par le pouvoir.Ahmet Davutoglu, artisan de la réconciliation turco-syrienne ces dernières années, et qui s'est rendu des dizaines de fois dans le pays voisin, était habitué à un accueil plus chaleureux. Ce refroidissement très marqué des relations est révélateur de la mauvaise passe que traverse la diplomatie turque, axée sur le concept de «zéro problème» avec les voisins. Le rapprochement avec Damas constituait l'image de marque de cette stratégie chère à Ahmet Davutoglu. Elle a longtemps expliqué, outre la crainte d'une guerre civile à sa porte, la modération des propos de la Turquie face à la répression en Syrie. Ankara n'a toujours pas appelé à la démission de Bachar el-Assad, alors qu'il n'avait pas hésité à réclamer les départs de Hosni Moubarak et de Mouammar Kadhafi.
Mais la recrudescence de la violence contre les civils oblige le gouvernement turc à durcir le ton. La répression ces derniers jours dans la ville de Hama, où l'armée syrienne avait tué plus de 20.000 personnes en 1982 pour mater une révolte des Frères musulmans, explique aussi sa crispation. Ces massacres restent présents dans la mémoire des Turcs religieux, également sunnites. «Quelle conscience pourrait accepter, a dit Recep Tayyip Erdogan, que trente ans après, et pendant le Ramadan, cette ville blessée souffre une nouvelle fois?»
Mesures contre-productives
Constatant son impuissance au bout de cinq mois d'efforts constants, le gouvernement turc semble sur le point de baisser les bras. «L'Ouest pourrait en arriver à voter des sanctions et nous nous rangerions à ses côtés», a également déclaré le premier ministre. En revanche, il semblait peu probable qu'Ankara prenne des mesures unilatérales. Les autorités turques ont toujours rechigné à mettre en place des sanctions commerciales contre des régimes de la région, en Irak ou en Iran par exemple, les considérant comme contre-productives.«Le fait est que la Turquie dispose de peu de moyens de pression sur Assad», explique Sami Kohen, éditorialiste au quotidien Milliyet. Un divorce entre Ankara et Damas aurait pour conséquence d'isoler complètement la Syrie, et donc de renforcer l'emprise de Téhéran. Vendredi, Ahmet Davutoglu a confirmé qu'une cargaison d'armes iraniennes à destination de la Syrie avait été interceptée dans l'est de la Turquie.
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