En soi, la décision de l'agence de notation américaine - pour l'heure non suivie par Fitch et Moody's - reste pourtant "assez symbolique", car elle ne "remet pas en cause la solvabilité des États-Unis", qui figurent toujours parmi les pays les mieux notés du monde, explique Gunther Capelle-Blancard, professeur à l'université de Paris I et spécialiste de finance internationale. Les États-Unis ont d'autant plus la capacité de rembourser leur dette que le dollar reste la monnaie de réserve internationale et qu'il n'existe pas d'alternative crédible à court terme. Washington peut continuer à faire marcher la planche à billets.
Récession
La dégradation de la note américaine ne constitue donc pas à elle seule une raison objective de krach. Mais elle intervient au plus mauvais moment. Les investisseurs sont déjà échaudés par la crise de la dette européenne, mais aussi par le ralentissement des économies occidentales. Dans un tel contexte d'incertitude, bien malin qui pourra prévoir "l'étincelle qui conduira à une crise" généralisée, explique Gunther Capelle-Blancard. Les marchés amplifient souvent les tendances, guidés par un comportement moutonnier totalement irrationnel. S'ils devaient céder à la panique, cela pourrait avoir des conséquences économiques désastreuses sur l'économie réelle. Les investisseurs subiraient alors d'importantes pertes potentielles, se sentiraient moins riches et seraient donc plus réticents à investir. Un cercle vicieux s'enclencherait, avec une baisse des investissements, des embauches, une stagnation des salaires. Largement de quoi faire replonger les économies occidentales dans la récession.
Les banques, gorgées de titres de créance américaine (752 milliards de dollars fin mars, selon la Banque des règlements internationaux), et déjà fragilisées par la défiance envers les dettes espagnole et italienne, sont particulièrement exposées à une panique boursière. Une baisse trop prononcée de leur valeur pourrait les obliger à fermer de nouveau les vannes du crédit à l'économie, car elles doivent respecter des exigences réglementaires de fonds propres. Certains établissements commencent déjà à être réticents à se prêter entre eux, ce qui pourrait déraper en un blocage du marché interbancaire, similaire à celui déclenché fin 2008, après la faillite de la banque d'affaires Lehman Brothers.
Des États impuissants
Une mécanique infernale qui pourrait s'accompagner de phénomènes monétaires. La baisse de confiance dans le dollar fait déjà baisser sa valeur face aux autres devises, telles que l'euro ou le yen. Une catastrophe pour l'économie japonaise, déjà victime de sa monnaie surévaluée et des conséquences du séisme et du tsunami de février dernier.
Face à autant de risques cumulés, les dirigeants du G20 ont moins de marge de manoeuvre que lors de la précédente crise de 2008. Ils ne peuvent plus compter sur l'arme budgétaire pour relancer la croissance. Ils ne peuvent que s'engager à accélérer la politique de rigueur pour juguler leur déficit et leur dette. C'est pourquoi ils se limitent à des déclarations d'intention très générales, comme celle de lundi matin. Seules les Banques centrales disposent encore de moyens d'action puissants, notamment la Banque centrale européenne. Dimanche, elle a fait savoir qu'elle allait racheter de la dette italienne et de l'espagnole afin de faire retomber la pression sur les taux d'intérêt exigés par les investisseurs pour les détenir. Les banquiers centraux peuvent aussi s'entendre pour corriger les déséquilibres entre les grandes monnaies. Reste à savoir si cela sera suffisant.
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