(La France vaut mieux que ça, non ?)
« AAA » : déclinée trois fois, la première voyelle de l’alphabet est depuis des semaines au cœur de l’actualité. Dans toutes les controverses aussi, comme si notre avenir devait dépendre des appréciations émises par quelques agences sous trois majuscules nourrissant les espoirs ou les angoisses des marchés et des États. Ces derniers s’accrochent à ce «très bien» qui permet d’emprunter à taux bas auprès des souscripteurs de leurs obligations, car le triple « A » offre les meilleures garanties. Avec des nuances, toutefois. Ainsi la France, l’un des six pays de la zone euro à se prévaloir de cette excellente note, affichait début du mois un taux de 3,14 % pour les obligations à dix ans (OAT), les Pays-Bas 2,82 % et l’Allemagne 2,42 % pour des titres équivalents…
Ces différences, même entre les premiers de la classe, pointent déjà l’évidence : les marchés savent que la France se situe à l’extrême limite des critères autorisés pour son «triple A » avec son déficit public de 5,7 % et une dette publique de 85,2 % du PIB. Dans l’immédiat c’est moins la dette – tous les États empruntent, même la vertueuse Suisse est dans le rouge à près de 53 % de son PIB – que le déficit budgétaire français qui est inquiétant. D’autant plus que le pays souffre d’une faible croissance. François Fillon a annoncé 1,75 % pour cette année, autant pour l’année prochaine, ce qui semble bien optimiste. Or, un petit pour cent rapporte environ 12 milliards en impôts aux caisses de l’État, exactement la manne que devrait récolter le plan de rigueur gouvernemental qui ne dit pas son nom. Le jour pourrait arriver où la croissance dans l’Hexagone (l’accroissement annuel de la richesse) ne payera même plus les intérêts de la dette ! Et cela en un temps où on espère surtout que la croissance aidera à résorber un chômage grandissant, du moins selon les promesses électorales.
Certes, la France possède aussi des atouts autres qu’économiques, notamment une réelle stabilité politique dans un pays en parfait état de fonctionnement : un critère primordial pour les agences de notation.
Enfin, l’Hexagone peut compter sur un atout caché susceptible de maintenir son «triple A» : l’interdépendance des économies française et allemande, chaque pays étant le premier partenaire de l’autre. Une dégradation de la note française toucherait à terme celle de notre voisin en provoquant une nouvelle panique, un cauchemar à éviter. Déjà l’Allemagne n’est pas loin d’entrer à son tour en ligne de mire pour sa passivité dans le sauvetage de la zone euro et en raison de ses tiraillements politiques encore accentués hier par la CSU, l’aile bavaroise de la majorité au pouvoir à Berlin. Ce parti rejette le «gouvernement économique de la zone euro» proposé le 16 août par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy. La crise européenne est loin d’être terminée…
Or, résoudre cette crise, pour en revenir à l’alphabet, est le « B-A BA » politique dont découle aussi le fameux « AAA ». Car c’est cette crise qui, partie de Grèce, a lancé l’infernale spéculation sur les dettes souveraines. Avec des répercussions à l’infini.
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