TOUT EST DIT

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dimanche 28 août 2011

AAAphatie retrouve son triple A

Le journaliste de Canal + et de RTL triomphe : la dette, son obsession depuis des années, est au centre de l'actualité. Pour Philippe Cohen, cela ne clôt pas le débat. 

Revenu gonflé à bloc de son repos estival bien mérité, Jean-Michel Aphatie triomphe : il avait bien raison d'être obsédé par la dette puisqu'aujourd'hui - il le dit d'ailleurs en anglais - la dette est devenue le sujet principal de l'actualité, mais aussi des salles de marchés et des cabinets ministériels.
On ne saurait, sur ce point, lui donner tort. A lire les sondage de IFOP effectué juste après la baisse de la note américaine, la dette serait même devenu le premier souci des Français, dont la moitié souhaitent qu'il figure en priorité sur l'agenda politique.

Donc, la dette, après avoir été l'obsession de Jean-Michel Aphatie et de quelques autres citoyens conscients des enjeux et très soucieux de préserver l'avenir de nos enfants - qu'il en soit remercié - deviendrait celle des Français. C'est une très bonne nouvelle pour le journaliste de RTl et de Canal +. Mais c'est peut-être aussi une moins bonne nouvelle pour l'économie.

Car le débat  - si toutefois les billets en forme d'invective sont des appels au débat - n'oppose pas, n'en déplaise à Aphatie, des garçons vertueux dans son genre et des jeanfoutre dans le mien ou celui, sauf mon respect - de l'estimable Daniel Schneidermann. Une fois la dette identifiée, la question qui se pose est celle de savoir comment la réduire. La réponse de Jean-Michel Aphatie est claire : il faut diminuer la dépense publique. Il n'est pas le seul à le dire. François Fillon a déclaré le pays en quasi-faillite sur le perron de Matignon en 2007. Et avant lui, Barre, Rocard et bien d'autres, qui n'ont pas semble-t-il, fait avancer le schmilblick d'un centimètre.

D'autres personnes, et elles m'ont plutôt convaincu, considèrent que la réponse souhaitée par Aphatie et Fillon n'a pas donné des résultats fameux. En Grèce, en Espagne, en Grande Bretagne par exemple, mais aussi en Allemagne, la rigueur a raboté la croissance. Du coup, le risque est grand que la rigueur finisse par accroître la dette en provoquant une baisse des recettes de l'état : comme le dit Henri Guaino chaque fois qu'on en parle avec lui, le déficit public n'est pas une soustraction, c'est une fraction avec les dépenses en numérateur mais aussi les recettes (le PIB) en dénominateur.

Cet avis est, semble-t-il partagé par ce que l'on appelle « les marchés », comme il est expliqué dans le dernier numéro de Marianne papier. Les investisseurs sont inquiets non pas seulement parce que les états ont trop dépensé, comme semble le croire Jean-Michel Aphatie, mais aussi à cause du risque de récession, elle-même conséquence de la rigueur, dont le spectre grandit et effraie tout le monde et d'abord les dirigeants des pays excédentaires comme la Chine ou l'Allemagne.

En réalité, les notions d'économie d'Aphatie ne lui permettent pas de comprendre que, même si la dette de la France a fait un bond considérable suite à la crise de 2008, la situation de la France est bien plus favorable que celle de beaucoup de pays, y compris l'Allemagne. On sait bien que le péché mignon des économistes qui semblent influencer Aphatie est de ne considérer que la dette publique alors que celle du privé est tout aussi grave, comme on le voit dans le cas des Etats-unis ou de la Grèce. L'endettement d'une nation se mesure donc en additionnant les deux dettes. Ce qui change tout concernant la France, l'un des pays développés détenant l'épargne la plus forte. Le patrimoine financier des Français est de 3320 milliards (dont la moitié en assurance-vie). Celui de l'Etat, strictement mobilier (sans le Louvre et la tour Eiffel) est de 850 milliards d'euros. La France comptabilise donc un peu plus de 4000 milliards d'actifs financiers. Dans l'autre poids de la balance, les dettes privées (1 000 milliards surtout en crédit immobilier) et publiques (1600 milliards), pour importantes qu'elles soient, laissent un solde largement positif. Sur ce point, Jean-Luc Mélenchon a raison quand il déclare au Monde « Imaginez que l'on compare ce que vous devez pour l'achat de votre appartement et votre revenu annuel ! » Dans une autre vie, le patron de PME que j'étais a dû, hélas, fréquenter des banquiers de près. Ils étaient aussi sympathiques que le croque-mort des Lucky Lucke de notre enfance. Mais aucun d'entre eux ne comparait la dette de l'entreprise avec son chiffre d'affaire annuel...

La France dispose d'un deuxième atout superbement ignorés par les obsédés de la règle d'or et les ayatollah de l'endettement : une démographie qui lui coûte cher aujourd'hui (l'éducation est onéreuse) mais peut lui rapporter gros demain, alors que ce sera l'inverse en Allemagne.
ll ne faut donc ni croire que la France peut dépenser à tout va ni que les spéculateurs sont les enfants du bon Dieu. Leur inquiétude est aussi une façon de réaliser des opérations spéculatives en pariant à la baisse ou à la hausse sur les obligations d'état. Elle n'est pas toujours en rapport avec la situation réelle du pays. De même, les formidables profits de la Société Générale (- 45% entre le 1° janvier et le 18 août)  ou de la BNP (- 40%) n'empêchent pas les marchés de s'inquiéter dans la mesure où ces banques disposent de créances dont personne ne sait si elles seront un jour recouvrées. 

Tout ceci sans vouloir offenser Jean-Michel Aphatie : il est toujours agréable de triompher et de fredonner l'air de « Je vous l'avais bien dit » (Marianne n'évite pas toujours, d'ailleurs, ce travers). Surtout quand on rentre de vacance... 

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