lundi 25 juillet 2011
Que nous apportent les « primaires » ?
Qu'apportent des « primaires » d'importation américaine à notre vie démocratique ? Réservons la réponse, pour ne pas insulter à la sincérité de celles et ceux qui y participent avec espoir. Mais comme cette agitation ajoute à la fébrilité électorale imposée par le quinquennat ! Et comme elle trahit deux inconstances combinées : celle de nos partis politiques et celle de nos institutions !
Ces « primaires » révèlent que, malgré la force de la synthèse républicaine, il reste une quadrature du cercle, ou un impensé, de notre démocratie depuis 1789 : ne pas savoir passer de l'éphémère mobilisation populaire, tour à tour « révolutionnaire » ou « participative », à l'exercice régulier et réglé d'une souveraineté dont le principe réside dans la Nation (article 3 de la Déclaration des droits de l'Homme) mais dont l'exercice revient aux représentants du peuple ou au référendum en ignorant les partis (article 3 de notre Constitution). Comment faire aujourd'hui une politique de tous et pour tous à l'âge des masses liquéfiées et de l'individu-roi, au pays de l'État fort et des partis faibles, de la société civile dédaignée, de l'association méconnue, des corporatismes-rois, de l'inégalité structurelle ?
Nos partis et groupements politiques, nés au début du XXe siècle pour inscrire la démocratie représentative et le régime parlementaire dans l'âge des masses, ont été relancés à la Libération par les espoirs de la Résistance, puis déstabilisés par l'épopée gaullienne de « rassemblement du peuple français » qui a engendré notre Ve République.
Aujourd'hui, les voilà bousculés et court-circuités par la globalisation des enjeux, l'apartheid social et l'impatience civique et numérique. Ils ont, du coup, rendez-vous avec leurs vieux travers : médiocre rapport avec le mouvement social, propos suridéologisé, délégation de la pensée et des programmes aux « experts ». Ils ne proposent à leurs adhérents que le débat entre soi, les finasseries de congrès, la sélection féroce des têtes de liste et, surtout, les rentes de situation pour élus et élites en place ou en herbe. Ils assument mal leur rôle d'éducation du citoyen et donc ne concourent guère ainsi à améliorer « l'expression du suffrage », comme le leur demande la Constitution (article 4). Pour compenser tant d'insuffisances chroniques, on comprend que certains d'entre eux explorent aujourd'hui la voie des « primaires » comme une fuite en avant. Pour se donner un peu d'air. Quitte à jouer aux athlètes de foire.
Ces « primaires » risquent aussi d'aggraver les insuffisances bien connues de la Ve République ultra-présidentialisée depuis 1962. Car elles déchaînent la personnalisation du pouvoir, flattent la tentation plébiscitaire et populiste, entretiennent l'atmosphère de campagne électorale permanente que nous impose le malheureux quinquennat, ajoutent à la fébrilité médiatique. Et tout cela pour flatter l'électeur sans questionner la règle du jeu institutionnel, source de nos dérèglements : comment désormais ajuster majorité présidentielle et majorité parlementaire, comment sortir de l'hyper-présidence et de ses abus de pouvoir, comment inventer enfin le « bon gouvernement » ?
Bref, les « primaires » voudraient-elles nous faire croire que le fin du fin en démocratie serait de participer, dans l'indignation, l'urgence et le désir, à la tête du client ? Sans se soucier des règles, des institutions et des programmes ? Voyons cela, l'oeil grand ouvert.
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