samedi 9 juillet 2011
À la croisée des chemins
Depuis sa fondation, l'Église primitive s'est ramifiée en de nombreuses Églises, pas toujours exemptes de tensions entre elles. L'Église catholique en rencontre également en son sein. Aussi, de loin en loin, elle se met en Concile, rassemblant tous les évêques du monde, pour approfondir tel point de doctrine, pour résoudre tel problème et concilier les points de vue. À l'approche du cinquantième anniversaire de l'ouverture du Concile Vatican II, des réflexions se font jour.
Ainsi, Joseph Moingt, 96 ans, prêtre, jésuite, célèbre théologien, auteur de nombreux ouvrages, a publié récemment un livre d'entretiens : Croire quand même (1). Il se penche sur la période actuelle de la vie de l'Église, celle qui fait suite au Concile Vatican II, dont certains estiment qu'il n'est pas mis en pratique comme il l'aurait fallu.
À la question : « Le Magistère de l'Église (c'est-à-dire l'ensemble des personnes ayant autorité en ce qui concerne la doctrine) pourrait-il laisser à sa tradition plus de facilités d'adaptation au monde moderne et reconnaître à ses fidèles une plus grande liberté pour l'interpréter ? », l'auteur répond : « Vatican II l'avait admis et avait commencé de le faire, mais des orientations postérieures ont paru et paraissent faire marche arrière... Le Magistère romain tend à réduire toute diversité et prétend être le seul interprète de la tradition, ce qui laisse peu d'initiatives à l'ensemble de la hiérarchie... La tradition est fixée par l'autorité suprême... alors que normalement, l'Écriture représente l'autorité souveraine de la foi... La tradition n'est la propriété de personne... Elle inclut le sens de la foi des fidèles (des laïcs) dont Vatican II en dernier lieu, a reconnu la vérité... ».
« Mais l'Église romaine a pris l'habitude au cours des temps de se considérer comme une institution exclusivement hiérarchique et monarchique... et les fidèles sont privés de voix... »
Le dialogue : une condition de la survie de l'Église
« L'établissement d'un dialogue... entre le pouvoir religieux et les communautés de fidèles me paraît être la condition nécessaire à la survie de l'Église dans les sociétés démocratiques modernes. Parce que les fidèles continueront à la quitter tant qu'elle ne leur reconnaîtra pas le droit à la parole dont jouissent les citoyens dans la société politique... et parce que le monde n'entrera pas en dialogue avec elle et n'écoutera pas ses enseignements tant qu'elle n'agira pas en société de plein droit, respectueuse de la liberté et de la dignité de ses membres. Autrement dit, un minimum de jeu démocratique est nécessaire à l'Église, non qu'elle tienne sa légitimité du peuple qu'elle rassemble, mais parce qu'elle ne peut exercer son autorité... sans respecter la responsabilité de ses membres. »
Pourquoi le Père Moingt publie-t-il ce livre ? « Parce que, dit-il, ces questions périlleuses mettent en cause des structures organiques, questions surtout troublantes pour la foi de notre temps. J'ai accepté néanmoins d'en traiter parce qu'elles me sont familières et me hantent, moi le premier... Mais aussi parce qu'il serait insensé pour un théologien, de ne pas se poser ces questions que tant de catholiques se posent autour de lui, parce qu'il est urgent d'y réfléchir et pour y encourager. »
Ce qui fait la particularité d'aujourd'hui, selon le Père Moingt, c'est que tous les problèmes se posent en même temps: "Autrefois, poursuit-il, il paraissait plus prudent aux autorités religieuses de se taire et d'attendre, pour ne pas alerter l'opinion publique ni troubler la foi des fidèles... Mais la crise actuelle est trop générale et touche trop de sujets vitaux pour qu'on puisse espérer qu'elle se résorberait d'elle-même, rien qu'en laissant le temps s'écouler. C'est pourquoi j'ai accepté que ces questions me soient posées, dans leur brutalité parfois, et que mes réponses soient publiées, sans en atténuer le tranchant, dans l'espoir que les troubles des catholiques de notre temps retiennent l'attention de tous ceux qui portent, à quelque niveau et sous quelque forme que ce soit, la responsabilité des orientations de notre Eglise. Beaucoup de fidèles hésitent à rester dans l'Eglise ou à la quitter comme tant d'autres l'ont déjà fait... Le titre donné à ces entretiens "CROIRE QUAND MEME" exprime le message de compréhension et d'encouragement que ce livre voudrait porter à ses lecteurs."
En cette période ou beaucoup s'interrogent sur l'avenir de l'Eglise qui peine à se faire comprendre du monde et qui sera conduite à se réorganiser du fait du manque de vocations sacerdotales (sept prêtres seulement ont été ordonnés dans les douze départements de l'Ouest cette année), il nous paraissait nécessaire de relancer ces réflexions profondes du Père Moingt, qui nous viennent de Vatican II.
Elles portent sur une des plus grandes institutions mondiales de notre temps, l'Eglise catholique. Elles nous paraissent si graves et si urgents que nous avons préféré les publier telles qu'elles ont été formulées plutôt que de les résumer ou de les paraphraser.
(1) Croire quand même, par Joseph Moingt, Éditions Temps Présent.
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