vendredi 13 mai 2011
L'héritage Mitterrand
À l'occasion du trentième anniversaire de l'élection de François Mitterrand à l'Élysée, il est naturel d'en évaluer l'héritage pour la nation française.
On ne gouverne pas un pays aussi longtemps (quatorze ans tout compris, une dizaine d'années seul à bord) sans laisser de traces.
La principale de celles-ci est d'avoir inscrit la capacité de la gauche française à exercer durablement le pouvoir d'État, dans les réalités nationales. En effet, au pays de la « grande révolution », la gauche a rarement exercé le pouvoir. Sauf à considérer le radicalisme de la IIIe République comme une expression suffisante de la gauche française. Ce qui serait une manière désinvolte d'écarter le socialisme et le communisme de la définition de cette gauche.
François Mitterrand a su rompre avec cet héritage. Il est le premier ¯ et le seul à ce jour ¯ à avoir intégré les socialistes et les communistes dans les responsabilités du pouvoir. Même lors du bref épisode du Front Populaire, en 1936, les communistes ne siégeaient pas au gouvernement. Aujourd'hui, leur présence y apparaît toute naturelle. Il est vrai que l'effondrement historique du communisme facilite les choses. La gauche ne fait plus peur, depuis que l'Union soviétique a disparu, que l'Europe centrale a intégré l'Union européenne et que la Chine ¯ toujours officiellement communiste ¯ s'est ralliée à l'économie de marché.
François Mitterrand restera l'homme politique qui a permis à la France de franchir ce seuil historique. Et si, aujourd'hui, dans la perspective de 2012, la gauche apparaît comme une candidate crédible à l'exercice du pouvoir, c'est à lui qu'elle le doit. Beaucoup de Français ressentent comme un besoin naturel que la gauche prenne à son tour, avec les forces sociales qu'elle représente, sa part de responsabilité dans la gestion de la crise la plus forte depuis la guerre. Car c'est bien cela dont il sera question l'année prochaine : comment résorber le chômage dans un tel contexte ? Comment réduire des déficits publics intenables ? Comment réorganiser la finance internationale avec des États nationaux affaiblis ?
Le père de l'euro
Précisément, voici le second élément décisif de l'héritage de François Mitterrand : l'euro. Sans lui, la monnaie européenne n'aurait pas vu le jour.
Le peuple allemand ne voulait pas abandonner le mark, symbole de son redressement pacifique. Le peuple français répugnait à sacrifier une composante aussi visible de son identité nationale. Le chef socialiste était cependant convaincu de la nécessité de la monnaie unique pour consolider l'entreprise européenne, au moment où celle-ci risquait de souffrir de son élargissement à tout le continent.
Certes, la monnaie européenne connaît, aujourd'hui, des secousses imprévues, du fait de la crise mondiale. Et la gauche elle-même n'a pas encore trouvé un patron comme Mitterrand pour surmonter ses divisions sur le sujet.
Maintenant, quel leader la gauche va-t-elle se donner pour réduire ses divergences et convaincre une majorité de Français ? Rien n'est joué, même si l'héritage de Mitterrand constitue un atout non négligeable. Ce qui comporte aussi des leçons pour le Président sortant, qui paraît décidé à se représenter et qu'on a tort de donner déjà perdant. Lui aussi doit se montrer capable d'unir la droite, et d'offrir aux Français une vision convaincante de l'avenir de l'Europe.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire