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mardi 31 mai 2011

L'audacieux pari d'Angela Merkel


Dans dix ans  demain aux yeux de l'Histoire l'Allemagne devrait avoir tourné le dos à l'énergie nucléaire et fermé ses dix-sept réacteurs. Promesse d'Angela Merkel. Politiquement, ce n'est pas une surprise. Avant l'accident de Fukushima au Japon, l'opinion publique allemande était déjà majoritairement antinucléaire. Depuis, le rejet de l'atome est massif et les Verts d'Outre-Rhin, les « Grünen », engrangent les victoires électorales. Ils s'emparent du pouvoir dans des bastions de la CDU. La Chancelière, mal en point, verdit donc sa tunique.

Au-delà du choix politique et politicien je tue l'atome et je renoue, je l'espère, avec la popularité  Merkel prend une décision majeure pour l'économie la plus puissante d'Europe. Pari audacieux. L'énergie nucléaire fournit encore 22 % de l'électricité allemande. La mise à l'arrêt des sept réacteurs les plus anciens a d'ores et déjà provoqué un surenchérissement du prix du kilowattheure. Certaines industries, fortes consommatrices d'énergie, crient casse-cou. Les patrons du nucléaire envisagent des recours en justice.

Frictions assurées. On ne change pas de politique énergétique sans casse. La Chancelière, en décembre dernier, prônait encore l'exploitation prolongée des réacteurs. Après Fukushima, virement de bord brutal quitte à déboussoler son équipage. Elle n'est pas encore assurée des votes à venir de ses alliés libéraux. Et certains conservateurs regimbent.

Pour audacieux qu'il soit, son pari est cependant calculé. L'Allemagne caracole déjà en tête des énergies nouvelles. Par ailleurs, plus de 40 % de sa production électrique dépend du charbon. Elle en possède en quantité et elle veut croire que les futures centrales de ce type ne rejetteront plus ou très peu  de gaz carbonique dans l'atmosphère. Elle peut aussi compter sur les importations de gaz, notamment russes.

La Chancelière n'est pas isolée

L'Allemagne n'est donc pas à cours de ressources. De surcroît, elle est économe. Elle tourne actuellement avec seulement quatre réacteurs en activité. Contrairement à la situation française  58 réacteurs, 76 % d'électricité d'origine nucléaire sortir de l'atome Outre-Rhin, ce n'est pas vaincre l'impossible. Merkel ne renverse pas la table. D'autant qu'elle dispose d'un plan B.

En cas de difficulté, l'hiver, au plus fort de la consommation d'énergie, elle pourra toujours faire appel à l'électricité nucléaire de ses voisins et s'éviter d'impopulaires coupures de courant. Ce qui fait dire aux tenants de l'atome, que l'Allemagne, l'hypocrite, sera en fait « une passagère clandestine » du nucléaire. Elle en consommera, mais les risques seront à ses frontières. Chez ses voisins. En France, en Pologne, en Slovaquie, en Hongrie. Il lui suffit de tirer des lignes à haute tension.

Quoi qu'en disent les patrons d'EDF et d'Areva, ce changement de cap à Berlin aura des conséquences au sein de l'Union européenne. Angela Merkel n'est pas isolée. L'Italie, l'Autriche, la Belgique se détournent du nucléaire. L'indépendante Suisse également. L'Espagne est attentiste. Le non au nucléaire en sort renforcé, et Paris, qui milite pour que l'atome soit labellisé énergie propre, risque de déchanter. Quant au couple franco-allemand ¯ le moteur déjà poussif de l'Union ¯ il s'est trouvé, avec l'atome, une nouvelle pomme de discorde. Une rivalité supplémentaire.

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