Qui connaît M. Abdeljalil? C’est pourtant l’interlocuteur officiel de la France en Libye puisque notre gouvernement a très officiellement reconnu le comité de transition qu’il préside comme une autorité de substitution à celle de Mouammar Kadhafi. En recevant, hier midi, ce chef de la rébellion à l’Élysée, le président de la République a mis en évidence l’embarras, pour ne pas dire plus, de la stratégie française dans un conflit qui s’éternise.
En convaincant le conseil de sécurité de l’ONU de lancer des frappes aériennes sur Tripoli, Paris et Londres envisageaient une intervention relativement rapide qui permettrait de faire tomber le régime de l’imprévisible colonel. Mais l’histoire a été plus capricieuse que prévu. Le scénario heureux du printemps arabe de la Tunisie et de l’Égypte ne s’est pas réalisé. Quand on commence une guerre, on la prévoit toujours courte. Et voilà que celle-ci s’annonce longue, confuse et incertaine. Tout est aujourd’hui à revoir, à commencer par l’engagement français qui n’a d’autre choix que d’être plus durable et forcément plus coûteux.
La France n’a évidemment pas à regretter d’avoir voulu porter secours à des populations rebelles qui étaient promises au massacre pur et simple. Mais l’empressement à considérer l’affaire réglée d’avance en nommant un ambassadeur à Benghazi, a imposé à notre politique libyenne une obligation de réussir, sans en avoir vraiment les moyens. Le commandement des opérations a été placé sous la responsabilité d’une OTAN divisée à la fois sur les objectifs et, plus grave, sur le degré de détermination des Occidentaux. Circonstance aggravante, les États-Unis d’Obama se sont assez rapidement retirés du jeu dont la Maison Blanche a très vite perçu les dangers.
Ils sont là aujourd’hui. Le spectre de l’enlisement qui avait refroidi des Américains échaudés par leur aventure irakienne est désormais une réalité. Les rebelles s’avèrent dans l’incapacité de vaincre tout seuls les troupes kadhafistes et ils ne bénéficient pas d’un soutien populaire suffisant dans la zone contrôlée par le colonel pour changer la donne. Une dotation supplémentaire en armement n’y changerait rien, faute d’une technique suffisante pour le manier. C’est bien un casse-tête à plusieurs millions de dollars par jour que Nicolas Sarkozy et David Cameron doivent résoudre. Sans pouvoir mettre davantage les mains dans le cambouis.
L’opposition libyenne réclame désormais à ses alliés une intervention terrestre. Paris a dit clairement non et cette option ne figure d’ailleurs pas dans la mission que lui ont confiée les Nations Unies. Mais en envisageant l’envoi de «conseillers» sur le terrain, la France s’exposerait tout de même directement de façon périlleuse. Au Sud-Vietnam aussi, Kennedy avait commencé par envoyer des «conseillers».
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