mardi 26 avril 2011
Fukushima, 25 ans après Tchernobyl
Nous n'en avons pas fini avec Tchernobyl, son sarcophage branlant, ses décombres radioactifs inextricables, ses conséquences sanitaires dans une région entière aux sols gorgés de césium. Vingt-cinq ans plus tard, huit millions de personnes n'ont d'autre choix que de survivre aux côtés du cadavre encombrant de la centrale ukrainienne. À Tchernobyl règne le non-dit. Les conséquences de la plus grande catastrophe du nucléaire civil restent en effet incommensurables.
Tchernobyl, combien de victimes ? Quarante-sept morts selon les Soviétiques. Quatre mille selon les autorités internationales de sûreté nucléaire. Cent mille évaluent les organisations écologistes. Vingt mille à quarante mille victimes estime, quant à lui, Claude Allègre qui ne passe pas pour un antinucléaire échevelé. Et cette tragédie humaine se poursuit. Des milliers de liquidateurs souffrent aujourd'hui encore des conséquences des irradiations : cancers, systèmes immunitaires délabrés. Chez les enfants nés après l'explosion, les médecins relèvent des fragilités osseuses et immunitaires inquiétantes.
La communauté internationale n'a pas fini de régler la facture de Tchernobyl. Car l'Ukraine, seule, ne peut faire face. Sécuriser le site est hors de ses moyens. Depuis 1986, la communauté internationale a dû, cahin caha, mobiliser plus d'un milliard d'euros pour gérer cette crise nucléaire inédite.
Le projet de grand sarcophage, chargé de fermer hermétiquement le site, quinze ans après le premier appel d'offres, n'est toujours pas totalement financé. Les donateurs se font tirer l'oreille. À Kiev, la semaine dernière, un nouveau tour de table a permis de réunir 550 millions d'euros supplémentaires. Il en fallait 740. Le Japon, frappé à Fukushima, a laissé sa chaise vide.
Une période incertaine
Tchernobyl fut le coup fatal porté à l'empire soviétique, si fier de ses réussites technologiques. L'explosion nucléaire - on ne pouvait le comprendre sur l'instant - a, par réactions en chaîne, ébranlé Moscou, fait chuter le mur de Berlin. D'une tragédie naissait une libération. Du coup, la nature même de la catastrophe a été quelque peu escamotée. Ce n'était pas l'énergie atomique qui était remise en cause, mais un modèle d'organisation sociale totalitaire.
Avec le drame japonais, la question resurgit. De quoi Fukushima sera-t-il la fin ? La fin d'une croyance aveugle dans la sécurité nucléaire au Japon, l'archipel de tous les dangers sismiques, c'est certain. La mort du mythe de l'énergie sûre, propre, économique ? Évidence. La catastrophe japonaise, vingt-cinq ans après celle de Tchernobyl, ouvre une période incertaine. En Europe, l'Allemagne et l'Italie se détournent du nucléaire. Aux États-Unis, une compagnie privée annule un projet de centrale. En Inde montent les contestations...
Les normes de sécurité, relevées, vont renchérir le prix du kilowattheure nucléaire. Dans le grand défi énergétique du XXIe siècle - défi économique et climatique - quelle place occupera l'atome ? Nul ne le sait. Nos modes de vie et de consommation vont être bousculés par un surenchérissement de l'énergie. Pétrole, gaz, nucléaire, les prix grimpent. Fukushima et ses conséquences attisent les tensions, accélèrent le débat. EDF et Areva, nos champions mondiaux de l'atome, déjà endettés, en sortiront renforcés ou à jamais affaiblis.
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