jeudi 30 septembre 2010
Changement climatique : les mirages de Copenhague
Depuis deux ans, les acteurs de la diplomatie climatique le répètent en boucle : il faut parvenir à un accord sur la suite à donner au protocole de Kyoto lors de la conférence qui se tiendra en décembre 2009 à Copenhague. Une date imposée par les délais de ratification d'un accord international qui doit prendre la suite du protocole arrivant à éché-ance en 2012. Sans engagement, pas de marché du CO2 et pas de mécanisme de financement pour aider les pays en développement. A Bali, une feuille de route des négociations avait été dessinée après un psychodrame inhabituel dans l'enceinte feutrée de l'ONU. Le représentant de la Papouasie Nouvelle-Guinée, l'avocat Kevin Conrad, avait vertement prié la représentante américaine de quitter la salle si son pays n'avait pas l'intention de se joindre sérieusement aux débats.
La victoire américaine de Barack Obama avait ensuite fait remonter en flèche le moral des négociateurs, persuadés que le nouveau président allait enclencher un mouvement vertueux en mettant ses propositions sur la table. Mais la réalité de la politique américaine, la violence des débats sur la réforme de la politique de santé et la montée en puissance de l'opposition au Sénat sur le projet de loi climat ont contraint Washington à rester en retrait. Le discours du président américain, lors du sommet climat organisé en marge de l'assemblée générale de l'ONU il y a une semaine, a fait l'effet d'une douche froide : aucun chiffre, aucun engagement, simplement des grandes phrases sur le sentiment de responsabilité et la volonté de faire sa part du travail.
A soixante-dix jours du démarrage de la conférence de Copenhague, alors que les négociateurs sont encore réunis cette semaine à Bangkok, la situation est bloquée. Le degré de confiance entre les Etats est quasiment nul, chacun a ajouté ses propositions compilées dans un texte incompréhensible de 180 pages. Tout se passe comme si, après avoir reconnu la nécessité de limiter le réchauffement à deux degrés par rapport à la période préindustrielle, la communauté internationale était tétanisée par l'importance des efforts à faire. Le protocole de Kyoto a construit un système rigide d'engagements assortis de punitions en cas de non-respect. Mais le Canada, l'Australie, et de nombreux pays européens comme l'Espagne, la Grèce, le Portugal, l'Italie et l'Autriche savent bien qu'ils n'y parviendront pas. Personne n'envisage de leur envoyer les Casques bleus ou même de prendre des sanctions financières. Du côté des pays émergents qui, jusqu'à présent, n'ont aucune obligation d'agir, mais polluent de plus en plus, l'enjeu est de trouver un cadre permettant de valoriser leurs actions.
Le principe de réalité devrait donc conduire les acteurs à se donner un an de plus, jusqu'en décembre prochain, lors de la conférence suivante prévue normalement à Mexico en décembre 2010. Pour y arriver, en évitant le cataclysme d'un échec total lors des dernières nuits à Copenhague, les chefs d'Etat devront trouver un début d'accord politique autour de quelques pages qui donnerait mandat aux négociateurs de préparer un texte juridiquement ficelé pour fin 2010. Un accord où, par exemple, on laisserait aux Etats-Unis un délai de grâce pour rattraper leur retard à condition qu'ils s'engagent formellement à accélérer ensuite. Le négociateur américain, Todd Stern, qui avait déjà participé aux négociations du protocole de Kyoto, veut à tout prix éviter de se retrouver dans la même situation avec un texte accepté, mais qu'il ne pourrait faire voter par le Sénat. Sortir de l'impasse entre Occidentaux et pays en développement sans perdre la face suppose, enfin, que chacun s'approprie le concept de plans d'action « appropriés ». Ce terme typiquement onusien et peu sexy permettait de construire un compromis.
Les grands émergents pourraient commencer par découpler croissance économique et croissance des émissions, dans le cadre d'un programme annoncé à l'avance. C'est ce qu'a commencé à présenter le président chinois, Hu Jintao, la semaine dernière à la tribune des Nations unies. Point clef des discussions, les engagements donnant lieu à une aide financière des Occidentaux deviendraient contraignants, ce qui pourrait convaincre les sénateurs des Etats charbonniers américains de s'engager à leur tour. Mais, pour parvenir à un tel équilibre, il faudrait que les pays riches mettent de l'argent dans le système. La tempête tropicale qui a ravagé Manille samedi, une des plus fortes depuis quarante ans, ou le nuage rouge qui a recouvert la capitale australienne la semaine dernière serviront peut-être de piqûre de rappel.
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