Tout en renouvelant sa confiance au ministre du travail, Eric Woerth, mis en cause dans l'affaire Bettencourt, Nicolas Sarkozy a conseillé à son ministre d'abandonner son poste de trésorier de l'UMP et annoncé la création d'une commision pour éviter "toute forme de conflits d'intérêts", lundi 12 juillet au soir dans un entretien sur France 2.
Eric Woerth est "lavé de tout soupçon par le rapport de l'IGF, je n'ai aucune raison de m'en séparer" a-t-il indiqué. C'est "un homme honnête, c'est un homme compétent, c'est un homme qui a toute ma confiance et celle du premier ministre", a dit le chef de l'Etat. "Il sera donc le ministre qui défendra cette réforme si nécessaire des retraites selon le calendrier qui était prévu", a-t-il poursuivi. "Le 13 juillet, demain, le conseil des ministres adoptera le texte de réforme, le 6 septembre le Parlement en discutera en séance plénière, les commissions travailleront dès le mois de juillet et à la fin du mois d'octobre, ce texte sera voté", a ajouté Nicolas Sarkozy.
"MON CONSEIL C'EST PLUTÔT QU'IL ABANDONNE CETTE RESPONSABILITÉ"
Il a par ailleurs dit que c'était "une honte" d'avoir accusé Eric Woerth d'avoir "ramassé des enveloppes" d'argent chez Mme Bettencourt, comme l'avait rapporté le site Mediapart citant des premières déclarations, partiellement démenties ensuite, de l'ex-comptable de la patronne de L'Oréal. Ces présumées enveloppes auraient été distribuées avant la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007. Certains ont suggéré qu'elles auraient pu servir au financement de sa campagne présidentielle.
Eric Woerth est accusé de "conflit d'intérêts", d'abord pour avoir été au même moment ministre du budget (de 2007 à mars 2010) et trésorier du parti présidentiel l'UMP, mais aussi parce que dans le même temps, son épouse, Florence, gérait une partie de la fortune de Liliane Bettencourt, l'héritière des cosmétiques L'Oréal.
Alors que de nombreuses voix se sont élevées pour critiquer la double casquette d'Eric Woerth, le président de la République a indiqué qu'il avait conseillé à son ministre d'abandonner son poste de trésorier : "Je lui ai dit que je souhaitais qu'il se consacre exclusivement à cette importante réforme des retraites, que son honneur maintenant était lavé, que les soupçons étaient levés, et que mon conseil c'est plutôt qu'il abandonne cette responsabilité", a-t-il dit. "Je ne suis pas en charge du fonctionnement de l'UMP, c'est Xavier Bertrand qui en est en charge", a-t-il ajouté pour signifier que la décision formelle ne lui appartenait pas.
Et pour éviter à l'avenir "toute forme de conflit d'intérêts", le président a annoncé la mise en place la semaine prochaine d'une "commission représentant toutes les familles politiques". "Sur cette question de conflit d'intérêts, j'ai entendu qu'il y avait des propositions des uns ou des autres sur le sujet et je suis très attentif à ces propositions", a expliqué le président. "Je demanderai à une commission représentant toutes les familles politiques de réfléchir dès la semaine prochaine à la façon dont on doit ou non compléter ou modifier la loi pour éviter dans l'avenir toute forme qui pourrait intervenir de conflit d'intérêts", a-t-il annoncé. "Je précise que ça ne concernera pas que les ministres, cela doit concerner aussi les parlementaires, et pourquoi pas telle ou telle personne qui exerce une responsabilité", a-t-il ajouté.
"CE SERAIT INDÉPENDANT DE DIRE 'CE SERAIT BIEN QU'ON CHANGE DE JUGE' ?
Nicolas Sarkozy a par ailleurs défendu la conduite des enquêtes dans l'affaire Woerth-Bettencourt par le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, soupçonné par des syndicats de magistrats et l'opposition d'avoir une approche partiale de l'affaire. "Comme c'est curieux, lorsqu'au début de la semaine dernière les éléments étaient à charge contre Eric Woerth, personne ne posait cette question, comme par hasard les juges étaient indépendants", a estimé M. Sarkozy. "Maintenant que les témoignages s'effondrent les uns après les autres, que l'honnêteté d'Eric Woerth éclate en plein jour, le même juge devient quelqu'un dont il faut soupçonner la partialité", s'est-il étonné. Placé sous l'autorité hiérarchique du ministre de la justice, le procureur Courroye est réputé proche du chef de l'Etat. Il a rappelé que le procureur était "compétent" dans cette affaire "parce qu'il a été saisi en son temps d'une procédure pour abus de faiblesse engagées par la fille de Mme Bettencourt à l'endroit de Mme Bettencourt".
Le président a rejeté l'idée de changer de cadre procédural alors que de nombreuses personnes, dont Dominique de Villepin et François Bayrou, demandent qu'un juge d'instruction – magistrat indépendant et inamovible – soit saisi des enquêtes dans l'affaire Bettencourt. "Vous croyez que ce serait indépendant de dire 'ce serait bien qu'on change de juge', qu'on en mette un autre ? Ce n'est pas ma conception de l'indépendance de la justice", a-t-il martelé.
"LA RÉPONSE, C'EST BIEN SOUVENT LA CALOMNIE"
"J'ai été élu pour résoudre les problèmes de la France et des Français, des problèmes qui n'ont pas été résolus depuis des années parce qu'ils sont très difficiles (...) notamment la réforme des retraites", a-t-il ajouté. Selon lui, quand on met en forme des réformes, on "bouscule des intérêts, des situations acquises", on "gêne un certain nombre de gens. La réponse, c'est bien souvent la calomnie". "On l'a connu il y a trois mois : ma femme et moi, on a subi les pires racontars, mensonges. Il y a quatre ans, lorsque j'ai pris la présidence de l'UMP, j'ai eu à faire face à l'invraisemblable affaire Clearstram. Et voilà qu'avec la réforme des retraites, on me décrit comme quelqu'un qui, depuis 20 ans, irait chez Mme Bettencourt pour ramasser des enveloppes. C'est une honte !" s'est exclamé M. Sarkozy.
"J'ai lu dans la presse le témoignage du maître d'hôtel de Mme Bettencourt qui travaillait chez eux depuis 17 ans. Il a dit : 'En 17 ans, j'ai vu Nicolas Sarkozy au domicile de M. et Mme Bettencourt deux fois, peut-être trois fois'. Et à chaque fois, dit-il, c'était soit pour un déjeuner, soit pour un dîner, avec plusieurs personnes", a encore dit M. Sarkozy. "Vous m'imaginez, pendant un dîner, devant les convives à table, repartant avec de l'argent ?" a-t-il demandé.
"Il ne s'agit pas pour moi d'être victime de quoi que ce soit. J'étais prêt" mais "c'est une perte de temps par rapport à ce que les gens attendent de moi. Et ils attendent une chose très simple : "Sortez-nous de la crise", a-t-il ajouté.
"LA FRANCE N'EST PAS UN PAYS CORROMPU"
Enfin, en réponse à la socialiste Ségolène Royal qui dénonçait le 29 juin "un système Sarkozy corrompu", le président a affirmé : "La France n'est pas un pays corrompu". "La classe politique gauche-droite confondue est en général honnête. Les fonctionnaires français sont des gens d'une grande rigueur", a ajouté M.Sarkozy. Mais le chef de l'Etat a reconnu qu'"il y avait, dans notre pays, des habitudes, c'est incontestable, un certain laisser-aller, trop d'appartements de fonction, trop de voitures de fonction, trop de mauvaises habitudes. C'est exact et je le reconnais bien volontiers".
"Ces mauvaises habitudes, il faut y mettre un terme", a-t-il dit en rappelant qu'il avait décidé des mesures pour réduire les avantages dont bénéficient les ministres. "J'ai promis une République irréprochable, c'est ce que nous faisons", a martelé le président de la République.
lundi 12 juillet 2010
Nicolas Sarkozy annonce la création d'une commission pour éviter les conflits d'intérêts
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