Le navire de la diplomatie tricolore rappelle de plus en plus le Titanic. On le pensait insubmersible, le voici en train de couler. Alors que les membres de l'équipage quittent les uns après les autres le bateau, la capitaine Kouchner tente d'écoper le flot des critiques
L'écrivain et ancien ambassadeur français à Dakar, Jean-Christophe Rufin, a lancé la première pierre. Dans une interview à la radio sénégalaise relayée par un entretien au Monde, l'académicien a jugé que"la politique africaine de la France est indiscutablement en crise". Selon lui, "le ministère des Affaires étrangères est complètement marginalisé" sur les questions africaines. Pire, le lauréat du prix Goncourt affirme que ce serait Claude Guéant, secrétaire général de la présidence, qui piloterait la diplomatie française sur le continent alors qu'il "n'est pas forcément un connaisseur de l'Afrique" et qu'il "n'est responsable ni devant l'Assemblée, ni devant le gouvernement". Pour résumer : c'est le "retour" de la Françafrique.
Un manque de diplomatie
La langue diplomatique s'est pour une fois déliée et Bernard Kouchner n'a pas apprécié. Le ministre a sorti les crocs et a rendu la pareille à celui qu'il a lui-même chargé de la plus importante ambassade d'Afrique. "On n'est jamais trahi que par les siens", a-t-il déclaré ajoutant qu'il espérait que son ancien ami "ne s'étouffera pas de haine". "Nous sommes fiers de la politique qui a été menée" en Afrique, a martelé le chef de la diplomatie tricolore, citant l'action entreprise par ses services en Guinée, en Mauritanie ou encore à Madagascar. Le ministre n'a pas manqué d'insinuer que Jean-Christophe Rufin tenait pour responsable l'influence du président sénégalais Abdoulaye Wade sur le Quai d'Orsay pour son départ de fonction le 30 juin dernier. Bernard Kouchner a également rappelé que sa fonction de diplomate n'avait pas été sans incidence sur sa carrière d'écrivain, lui permettant ainsi de puiser l'inspiration de son dernier roman, Katiba.
Au-delà du problème africain
Le mal semble pourtant bien plus profond qu'un simple règlement de compte. Dans une tribune publiée par le journal le Monde, deux anciens ministres des Affaires étrangères, Alain Juppé et Hubert Védrine s'inquiètent pour l'avenir de la diplomatie française : "l’instrument est sur le point d’être cassé, cela se voit dans le monde entier. Tous nos partenaires s’en rendent compte." Cet affaiblissement du rôle de la France sur la scène internationale est dû, selon eux, à une coupe budgétaire sans précédent. Ils notent ainsi avec effarement que le budget alloué au Quai d'Orsay a chuté de 20% durant les 25 dernières années. Ses homologues américain, britannique ou encore brésilien reçoivent, eux, de plus en plus d'argent et grappillent du coup l'influence durement acquise par les diplomates français. La France, deuxième puissance diplomatique avec ses 160 ambassades, serait dans une belle panade. "C'est un ministère sinistré, les diplomates sont dans le désarroi le plus total car ils ne se sentent pas défendus.", assure Jean-Christophe Rufin. "Cette maison, ceux qui y travaillent, sont fiers de leur métier et continuent à être, en dépit des difficultés, totalement mobilisés", rétorque le porte-parole du Quai d'Orsay, Bernard Valero.
Mais la fierté sera-t-elle suffisante face au manque de moyens et de volonté des forces en place ? Le projet des instituts Victor Hugo, réseau unique pour mener à bien la diplomatie culturelle française à l'étranger, démontre bien toute l'étendu du problème. L'idée, maintes et maintes fois remaniée, a été renvoyée dans les oubliettes parlementaires pour manque de suivi des différents institutionnels. L'homme qui devait être à la tête de cet ambitieux projet, un certain Jean-Christophe Rufin, avait d'ailleurs préféré décliner l'offre faite par le Quai d'Orsay, au profit de Xavier Darcos. Bernard Kouchner, lui, y croit toujours.
vendredi 9 juillet 2010
DIPLOMATIE FRANÇAISE – La polémique qui cache l'iceberg
Damien Bouhours
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