Depuis le début de la catastrophe du golfe du Mexique, le 20 avril, et jusque dans la bouche du président Obama, la même ritournelle revient en boucle : « BP est responsable, BP payera, BP a les moyens ». Assertion suivie d'une sorte de petit soupir de soulagement, un peu veule. L'auteur est connu, la sanction ne tardera pas, tout va bien... business as usual. Certains ont même imaginé, au début, que l'affaire était plus simple qu'un naufrage ordinaire de supertanker. Qui a pour caractéristique de présenter un indémêlable écheveau de responsabilités partielles aux victimes accablées. On se rend compte aujourd'hui que des intérêts multiples sont impliqués dans l'explosion de la plate-forme Deepwater Horizon. Y compris une lacune réglementaire.
Au large de la Louisiane, en apparence, le groupe Beyond Petroleum (au-delà du pétrole, nouveau slogan de BP) est clairement désigné comme premier responsable. Et il s'est d'ailleurs immédiatement mis au boulot pour réparer les dégâts, jusqu'à enrôler des pêcheurs du delta pour déployer les barrages flottants. Le gouvernement américain s'est laissé prendre quelques heures à cette trompeuse simplicité dans l'application du principe « pollueur payeur ». Cette règle, faut-il le rappeler, est directement inspirée des mécanismes du marché. Dès lors qu'un risque est clairement évalué, il est de l'intérêt de tout acteur économique de le prévenir. Et par conséquent diminuer son exposition financière. D'où un bénéfice pour la collectivité.
Il est trop tôt pour dire combien cette catastrophe va coûter. La fourchette évoquée est large : entre 3 et 12,5 milliards de dollars ! Et on ne parle pas des 23 milliards de dollars de valeur boursière qui s'était déjà volatilisée au 30 avril... N'est-il pas naturel que les co-propriétaires de BP, qui ont eu leur part de la restauration énergique des profits, soit associés au sinistre ? Les analystes financiers estiment que les résultats de la compagnie lui permettent sans difficulté d'assumer ces coûts et jugent disproportionnée la réaction du marché.
Il est cependant peu douteux que la facture finale, pas attendue avant cinq ou dix ans, devra être assumée bien plus largement. Et jusqu'au consommateur de produits pétroliers, vous et moi, et au souscripteur de couverture d'assurance (les mêmes). Autrement dit, BP paiera, certes, et nous tous derrière lui. Mais qui compensera la destruction définitive d'espèces animales ou la mort par asphyxie des innombrables petits acteurs économiques des États américains du sud, déjà bien fragiles ?
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