D’un côté, EllaOne, superpilule du lendemain, très bientôt sur le marché européen, efficace jusqu’à cinq jours après un rapport sexuel non protégé. De l’autre, une campagne épatante de l’Inpes, qui incite les hommes à s’intéresser à la grossesse. À la veille de la Journée mondiale de la contraception, ces deux dispositifs affichent le même objectif : réduire le nombre d’avortements.
Un jeune homme entre, fébrile, dans des toilettes. Dans ses mains, un test de grossesse. Tremblant, il parcourt la notice, puis lit le résultat. Il sort, ébahi, puis inspecte sa silhouette de profil dans le miroir. Le spot, muet, se termine par un slogan tonitruant : « Faut-il que les hommes tombent enceintes pour que la contraception nous concerne tous ? » Un message fort et un concept original à l’attention des 18-30 ans. Cette campagne de communication de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) est actuellement déclinée à la télévision, à la radio et sur Internet. « Il est important de considérer le couple, et non pas la femme seule, dans la démarche du choix de la contraception et de son suivi », nous explique-t-on à l’Inpes.
Marie-Pierre Martinet, secrétaire générale du Mouvement français pour le Planning familial, salue cette campagne : « Une étude de la mutuelle LMDE a montré qu’une majorité de jeunes hommes ignore si leur copine est sous contraception et que ceux qui le savent n’ont en revanche aucune idée de la méthode choisie.
Ce n’est pas qu’une histoire de nanas, il faut sensibiliser les garçons. »
De la sensibilisation, mais aussi des actes. L’Agence européenne pour l’évaluation des médicaments (EMEA) s’apprête à donner son aval pour la commercialisation d’EllaOne, la pilule dite « du surlendemain », produite par le laboratoire français HRA Pharma. Elle serait efficace à 97 % et jusqu’à cinq jours après un rapport sexuel non protégé, contre quarante-huit heures pour la pilule
« classique » du lendemain, la Norlevo.
Le hic ? Son prix et son accessibilité. EllaOne n’est pas remboursée par la Sécurité sociale et son coût se chiffrerait aux alentours de 50 euros. Norlevo coûte 7,60 euros, a été disponible en vente libre dès sa mise sur le marché, alors qu’il faudra une ordonnance pour obtenir EllaOne. Une situation qui révolte le Planning familial.
« Cette pilule d’urgence doit pouvoir être délivrée sans ordonnance : pharmacies, infirmeries scolaires, centres de planification… et être remboursée, donc accessible financièrement au plus grand nombre et gratuite pour les mineures », déplore Marie-Pierre Martinet.
EllaOne est plébiscitée par les gynécologues autant que par les associations. « Quand l’accident arrive un samedi soir et que l’on ne trouve une pharmacie que le lundi ou le mardi, il est trop tard. Or les jeunes filles reportent souvent l’achat de la pilule du lendemain, n’osent pas et traînent dans la démarche », explique le docteur Marc-Alain Rozan, président du Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France (Syngof). « Aujourd’hui, il y a 200 000 I. V. G. par an pour 800 000 naissances. Si l’on veut lutter contre l’avortement, cette pilule est une très bonne solution. Je vois tous les jours des jeunes filles qui préfèrent l’I. V. G. à une pilule payante parce que c’est gratuit et anonyme. »
Mais n’y a-t-il pas un risque de relâchement dans la planification de la contraception si les femmes savent que ce dispositif si efficace existe en vente libre ? « Aucune inquiétude, poursuit Marie-Pierre Martinet. On présente souvent les contraceptifs d’urgence comme des solutions anti-tête de linotte, mais les femmes sont conscientes des enjeux. Les deux tiers des I. V. G. ont lieu alors que la femme est sous contraception, cela veut bien dire qu’il y a un problème dans le choix de la méthode. »
Autrement dit, il faut sortir du tout-pilule, qui est bien loin de convenir à toutes les femmes. Et informer, encore et encore. C’est dans cette optique que l’Inpes, en plus de sa campagne miroir, propose depuis le 15 septembre une version relookée du site choisirsacontraception.fr, où l’ensemble des moyens existants sont expliqués. Les objectifs des pouvoirs publics, des médecins et des associations convergent : faire baisser le nombre d’avortements, dans un contexte où l’accès à l’I. V. G. chirurgicale est toujours compliqué, délais d’attente et clause de conscience obligent… Et s’il faut pour cela que les hommes, le temps d’un spot télé (1), angoissent pour un retard de règles et se demandent qui peut être la mère de leur enfant, on redemande de telles campagnes de sensibilisation.
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