Jean-Louis BORLOO - ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire : "Je souhaiterais un bonus-malus sur une vingtaine de familles de produits dès 2009"
Les manifestations se multiplient contre l'augmentation du pétrole. Pêcheurs, agriculteurs, taxis crient à l'Etat qu'ils ne peuvent plus continuer à vivre dans cette situation. Que faire ?
Il nous faut d'abord aider les professionnels en crise et les plus défavorisés, ce que fait le gouvernement, secteur par secteur, face à l'urgence. Parallèlement, le président de la République a saisi les dirigeants européens sur les évolutions de la TVA. Nous sommes à l'aube d'un véritable changement de société. Que ce soit parce que les réserves de pétrole se réduisent, que la spéculation fait monter les prix, ou pour lutter contre le réchauffement de la planète, notre société doit devenir sobre en carbone. Après un hiver clément l'an dernier, la consommation d'énergie primaire a stagné en 2007 par rapport à 2006 et ce alors que la population a continué à augmenter et que la consommation générale ne s'est pas ralentie. Le secteur de l'industrie a poursuivi son effort, et pour la première fois, les consommations du résidentiel tertiaire sont restées stables.
Quelles leçons en tirez-vous ?
Cette tendance confirme l'essentiel des conclusions du Grenelle de l'environnement et nous incite à aller plus loin. Dans les semaines qui viennent, nous allons lancer un grand programme de réforme des infrastructures énergétiques françaises pour les quinze prochaines années afin de permettre à la France de respecter les objectifs de production d'énergie renouvelable. Pour la première fois, nous allons commencer par réfléchir dans le bon ordre en nous demandant quels sont nos objectifs et quelles sont nos marges de progression les plus importantes. Nous sommes très en retard par rapport à l'Allemagne. Un nouvel appel d'offres de 300 mégawatts (MW) vient d'aboutir et un autre de même ampleur va être lancé dans les jours qui viennent. Le plan solaire, également en cours de finalisation, portera sur l'organisation de la filière. Il doit permettre d'assurer la diffusion en masse de cette technique aujourd'hui trop confidentielle. Au cours du mois de juin, le chantier de construction d'une usine de composants photovoltaïques va démarrer à Saint-Auban. Nous allons aussi créer des zones de développement de l'éolien en mer et les tarifs de l'éolien vont être remis à plat pour assurer une visibilité long terme aux investisseurs. Tout est globalement arbitré, une partie des mesures sera prise dans le cadre de la loi de Finances ou dans la première loi d'application du Grenelle. D'autres sont d'ordre réglementaire.
Mais le point noir reste le secteur du transport, dont les émissions ont augmenté de 1,5 %. Même les ventes de carburant routier croissent de 1,4 % ! Comment renverser la vapeur ?
Il n'y a pas de réponse rapide. Les mesures du Grenelle nous aideront à long terme à réduire notre dépendance au pétrole, que ce soit en créant de nouvelles infrastructures de transport (TGV, tramway, etc.) ou en transformant l'urbanisme de nos grandes villes, afin de cesser de travailler à des kilomètres de nos habitations. Dans l'immédiat, il faut donner les moyens à un certain nombre de professionnels d'acheter des véhicules plus performants. Aujourd'hui, un artisan taxi n'a pas droit au bonus s'il achète une voiture verte ! On peut aussi les aider à adopter les systèmes d'écoconduite qui permettent de réduire la consommation de 25 %. De même, un médecin ou une infirmière qui se déplacent à domicile n'ont pas le droit de répercuter sur leur prix la hausse du carburant, alors que la loi va le permettre pour les transporteurs. Nous discutons de tout cela au sein du gouvernement.
Que faire pour les agriculteurs ?
Avec Michel Barnier, nous faisons tout pour accélérer les mesures visant à permettre aux agriculteurs d'aller vers l'autonomie énergétique. C'est une mesure de bon sens. Les bâtiments agricoles peuvent accueillir des panneaux photovoltaïques, rien n'empêche d'installer du petit éolien. Nous ferons en sorte de pouvoir utiliser plus facilement la biomasse pour produire de l'énergie sur les exploitations.
Le bonus-malus automobile a fonctionné, car il a fait exploser les ventes de voitures vertes. Vous avez promis d'aller plus loin. Comment ?
Cette mesure a provoqué un électrochoc. Les ventes de modèles sobres ont augmenté de 45 % et les véhicules les plus gourmands ont baissé de 40 %. Les fabricants étaient persuadés que ce marché resterait marginal sur le long terme. Ce n'est pas le cas. Les consommateurs français sont prêts à changer de comportement. Je suis d'ailleurs persuadé que les exigences européennes en matière de réduction d'émissions de CO2 seront bientôt considérées comme le minimum et qu'il faudra aller plus loin. Dans le cadre de la loi de Finances, je souhaiterais, dès 2009, qu'une vingtaine de familles de produits se voient appliquer un mécanisme de bonus-malus. Si nous imposons un tel système sur les appareils électroniques, les consommateurs seront tentés de s'orienter rapidement vers les appareils moins énergivores.
Où en sont les négociations sur le paquet climat-énergie européen ?
C'est extrêmement difficile, mais nous n'avons pas le droit à l'échec. L'Europe ne peut arriver à Poznan en décembre, dans le cadre des négociations sur la suite du protocole de Kyoto, sans avoir au moins les premières bases d'un accord à vingt-sept. Je suis persuadé que nous allons trouver le moyen de convaincre les Etats de la nécessité d'accepter les grands objectifs de réduction des émissions et de production d'énergie renouvelable que nous nous sommes fixés. Chacun a ses propres raisons de refuser, mais tout le monde comprend qu'il faut agir. Le point le plus dur porte sur les quotas d'émissions de CO2 pour l'industrie et la mise aux enchères. Les enjeux financiers sont énormes ! Pour les nouveaux entrants, dont l'économie est très carbonée (dépendance au charbon, poids encore important de l'industrie lourde), la question est très difficile, même si on peut se dire que les gouvernements vont investir cet argent de manière à rendre l'économie plus vertueuse.
Vous allez au G8 énergie au Japon. Là aussi, les négociations semblent bien laborieuses ?
Aujourd'hui, il faut le reconnaître, la situation des négociations est difficile. L'Europe a décidé de réduire ses émissions de 20 % et a proposé de passer à moins 30 % en cas d'accord international. Mais, pour obtenir un accord mondial sur un objectif à moyen terme et que tout le monde s'engage, il faut retrouver de la capacité de négociation. Une idée fait son chemin de commencer par négocier un accord entre l'Europe et l'Afrique, le continent qui sera la première victime du réchauffement, sans avoir profité de la révolution industrielle. Sur le papier, ils disposent de tous les avantages et peuvent devenir le premier continent à énergie renouvelable. Ne nous y trompons pas, c'est un bouleversement considérable qui est en cours et il est de la responsabilité des gouvernements de bonne volonté de le préparer ensemble. C'est ce que je dirai au G8 énergie ce week-end au Japon.
Propos recueillis par Julie CHAUVEAU et Pascal POGAM. Partenaire Les Echos.fr
vendredi 6 juin 2008
BONUS-MALUS ÉCOLOGIQUE
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