vendredi 5 décembre 2014
Qu’exprime le score de Bruno Le Maire au Congrès de l’UMP ?
Bruno Le Maire est-il le signe d’un renouveau au sein de la droite ?
Dimanche matin, Bruno Le Maire, fort des 29,18% obtenus lors de l’élection du président de l’UMP, était en une de tous les journaux. S’il ne faut pas exagérer la portée de ce score en criant à la révolution au sein du premier parti d’opposition, il faut tout de même noter les tendances et les aspirations que celui-ci exprime. Et celles-ci sont très intéressantes dès lors que l’on prend conscience du fait que les militants UMP représentent majoritairement la frange la plus « radicale », comme tout adhérent à un parti, des sympathisants de droite et du centre.
Bruno Le maire, incarnation du « renouveau » au sein de l’UMP ?
Tout d’abord, les suffrages exprimés en faveur de Bruno Le Maire sont évidemment le signe d’une volonté de changement des pratiques politiques au sein de l’UMP. En effet, l’ex-ministre de l’agriculture a fait du « renouveau » le cœur de sa campagne en déclinant des propositions pour réformer la vie publique : non-cumul des mandats, limitation du nombre de mandats dans le temps, démission des élus de la fonction publique… Plus que ces mesures, qui n’ont rien de révolutionnaires, le « renouveau » a été incarné par les personnes qui se sont engagées dans le sillage de Bruno Le Maire. La cinquantaine de parlementaires, la centaine de maires et l’armée de « jeunes BLM », réseau que le député de l’Eure a construit durant ces deux dernières années, ont fortement contrasté avec la vieille garde sarkozyste, que le nouveau président de l’UMP s’est pourtant appliqué à cacher. Certains ont fait le parallèle entre ces jeunes militants ou sympathisants aux t-shirt aux couleurs criardes et les jeunes giscardiens. Cette comparaison, non sans un poil de moquerie envers l’homogénéité sociologique des jeunes BLM, souligne néanmoins comment Bruno Le Maire semble incarner le renouvellement ou la modernisation de la vie politique comme Valéry Giscard d’Estaing en son temps.
Au-delà de la volonté de renouvellement de la vie publique, on peut lire dans le score de Bruno Le Maire, la manifestation d’un changement de culture politique des militants UMP. On a souvent décrit les adhérents du parti comme des Français dont la tradition bonapartiste ou gaulliste – appelez ça comme vous le souhaitez – les rendait dépendant d’un chef dont ils attendaient presque tout. Cette conception césariste de la vie publique les rendait relativement imperméables aux affaires politico-judiciaires de leur leader, à ses revirements politiques ou à ses échecs. Il faut dire que les plus vieux de la vieille ont su rester dans le parti malgré les scandales au sein du RPR avec les Chirac et autre Pasqua, avant de supporter tour à tour l’affrontement Copé/Fillon, Bygmalion, le « sarkothon »… On peut presque y voir une forme de cynisme, un dédain affiché envers quelconque moralisation de la vie publique.
Nicolas Sarkozy, étant conscient de l’ampleur de cette culture politique au sein de l’UMP, en redoutable politicien qu’il est, a très bien su en jouer. Sur les neuf affaires judiciaires dans lesquelles il est impliqué, silence-radio ou négation en bloc. Aucune critique de son quinquennat précédent. Présentation de son retour comme une nécessité pour la France après deux ans de prise de hauteur.« Non seulement j’ai envie, mais j’ai pas le choix » assénait-il à Laurent Delahousse pour annoncer son retour. Son retour à la tête de l’UMP était alors conçu comme le moyen d’un plébiscite qui consacrerait sa légitimité.
Cependant, il semble que cette conception de la vie publique a fait son temps. À travers le vote pour Bruno Le Maire, presque un tiers des militants ont exprimé une volonté d’oxygéner la classe politique, de laisser la place à une nouvelle génération. Ils ont été sensibles à la « campagne de terrain » de l’ancien ministre de l’agriculture, non pas commencée en Juin dernier, mais en 2012, depuis la défaite de Nicolas Sarkozy. Certes, ce dernier a nettement remporté la présidence de l’UMP, mais la différence avec son score de 2004 (85 %) indique que celui qui, plus que quiconque, a cherché à incarner et personnaliser le pouvoir doit faire face à une mutation de la culture politique de son parti. Et si celle-ci est en cours au sein des militants du parti, alors elle est déjà bien avancée parmi les sympathisants de droite et du centre. Bruno Le Maire l’a bien compris en annonçant que ce vote n’était qu’un début pour le « renouveau ».
Une volonté de remettre les sujets primordiaux au cœur du débat
Enfin, bien qu’il ait été relativement peu question de son programme politique national, Bruno Le Maire ayant cherché à faire une campagne directement adressée aux militants, certaines de ses idées pour la France ont pu être néanmoins esquissées. Par un discours qui n’a rien de révolutionnaire et dans lequel on peut même voir des contradictions, notamment sur la vision de l’Europe ou sur la réforme territoriale, il faut reconnaître le mérite de M. Le Maire d’avoir cherché à remettre les sujets primordiaux au cœur du débat. Exit les débats sans fin sur le mariage pour tous, exit les polémiques sur l’immigration ou l’identité nationale, le discours du député de l’Eure a su trancher avec les digressions de Nicolas Sarkozy sur la définition de la République ou sur la nécessité du leadership en politique. Il a remis les sujets majeurs sur la table à savoir la liberté économique, la réforme de notre modèle administratif et social et l’éducation avec une volonté de « parler vrai ». Les militants UMP, ainsi que tous les Français, ont apprécié cette constance dans ses propos qui font beaucoup de bien au débat politique.
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