dimanche 14 septembre 2014
Pauvres banques centrales ?
Les banques centrales disposent-elles de puissants pouvoirs ou au contraire de pouvoirs illusoires ?
Les banques centrales ont dû leur pouvoir, durant des décennies, à la prédominance de la monnaie fiduciaire. Au début de la IVe République, les billets de la Banque de France représentaient plus que la monnaie scripturale. Dans ces conditions, les banques « de second rang » dépendaient largement, pour leur activité de crédit, du refinancement que voulait bien leur accorder la Banque Centrale. Mais aujourd’hui, les billets ne font plus recette. Malgré une importante détention de billets en euros par des étrangers à la zone euro, fin juin 2014 il n’y avait « en circulation », expression qui inclut les bas de laine, que 935 milliards d’euros.
En revanche, les dépôts des agents non financiers dans les institutions monétaires de la zone euro atteignaient à la même époque, en données consolidées, 11 150 milliards. Les banques centrales européennes étaient des géants par rapport aux banques commerciales durant la première moitié du XXe siècle ; les banques centrales nationales membres du système européen de banques centrales, et leur chef de file, la BCE, sont, non pas des nains, mais de grandes banques parmi d’autres en ce qui concerne leurs ressources clientèle.
Dans ces conditions, comment la BCE et le système européen de banques centrales (SEBC) pourraient-ils apporter des liquidités au marché ? Le SEBC ne peut prêter, au-delà de ses maigres émissions fiduciaires (ce qui lui sert à emprunter aux ménages le peu qu’ils veulent bien lui prêter), que ce que lui prêtent les banques de second rang.
Autrement dit, les fameuses « liquidités » ne peuvent être distribuées que si elles sont en même temps pompées auprès des banques commerciales. Pour cela, la BCE dispose d’une pompe efficace : la réglementation des réserves obligatoires, qui l’autorise à obliger les banques commerciales à lui prêter des sommes calculées en fonction de certains éléments de leurs bilans. Malheureusement, augmenter les taux de réserves obligatoires est plutôt mal vu des banques commerciales ; cela ne les encourage pas à prêter aux entreprises et aux ménages.
La BCE dispose donc d’un bon frein en cas d’emballement du crédit, mais son accélérateur est défaillant. Elle n’est vraiment utile que lorsque le marché interbancaire fonctionne mal, comme cela est arrivé il y a quelques années. En effet, certaines banques ont trop de dépôts relativement à leurs prêts, tandis que d’autres sont en situation inverse ; si les banques ont confiance les unes dans les autres, les premières prêtent aux secondes et tout va bien.
Mais quand survient une crise de confiance, alors la banque centrale peut efficacement y remédier en empruntant à celles qui ont trop de dépôts pour prêter à celles qui n’en ont pas assez. C’est ce que le SEBC a fait à la fin des années 2000, et cela a évité que la récession ne soit trop catastrophique. Mais aujourd’hui, ce n’est pas le problème. L’économie européenne est atone parce que les entreprises ont peu de projets, ce à quoi la BCE ne peut rien.
Dans ces conditions, les banques centrales peuvent encore se charger des mauvais risques pour inciter les banques commerciales à prêter pour des projets en lesquels elles ne croient qu’à moitié. Les banques commerciales peuvent être d’accord pour accorder des prêts à haut risque puis céder ces crédits à la banque centrale, qu’elles refinancent pour lui en donner la possibilité.
Bien entendu, cela ne marche que si la Banque centrale accepte le risque de crédit : si elle le laisse aux banques de second rang, le quantitative easing est inutile, car c’est le risque qui dissuade les banques, pas l’absence de ressources : la création monétaire fonctionne toujours ; au niveau du système bancaire dans son ensemble les prêts continuent à faire les dépôts, et donc les banques commerciales n’ont aucun besoin d’être globalement refinancées par la banque centrale, qui de toute façon ne peut le faire que si les unes lui prêtent ce qu’elle prêtera à d’autres.
On se fait donc beaucoup d’illusions sur la capacité de la BCE et de la Fed à relancer l’économie. Les Banques centrales ont à leur disposition essentiellement un frein ; leur aide à la relance de l’économie, c’est de lever un peu le pied de la pédale de frein. Mais quand elles ont levé le pied totalement, elles ne peuvent pas faire grand-chose de plus, sauf à se charger des mauvais risques. Se bercer d’illusions ne sert à rien.
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