samedi 9 août 2014
«Pour nous convaincre à nouveau, Nicolas Sarkozy doit se réinventer en profondeur»
Puisqu'il est désormais acquis qu'il va revenir, Nicolas Sarkozy doit, pour lui comme pour nous, profiter de cette fin d'été pour interroger en profondeur le ressort de sa reconquête.
S'il entend gagner en 2017 et sauver, cette fois, véritablement son pays, il ne peut tout d'abord éviter de domestiquer son pire ennemi, aujourd'hui à la une de tous les médias sous les traits caricaturaux du sacrifice d'un homme prêt, si l'on insiste vraiment, à abandonner sa paisible retraite loin, très loin d'un monde politique qu'il n'a en réalité jamais lâché. Car cet ego utile dans les combats les plus violents l'aveugle malheureusement sur le semi-échec de son premier mandat autant que sur les raisons pour lesquelles une partie de sa première clientèle regarde avec amertume et défiance son retour sur scène.
Cette incapacité de remise en cause, dont Paris bruisse mais dont personne n'ose lui parler, l'illusionne jusqu'à la qualité de la campagne 2012, qu'il considère, hélas, comme sa «meilleure campagne». Si le mal est structurel, Nicolas Sarkozy ne tirera aucune leçon de ses erreurs et sera un mauvais candidat et, s'il gagne, un mauvais président. Si, comme on peut l'espérer, il parvient à s'en défaire, alors tout est permis, y compris le meilleur, et justifie qu'on lui signale, dût-il provisoirement en prendre ombrage. C'est même là un service sincère à lui rendre car c'est à lui qu'incombe la charge de la preuve sur un terrain qu'il ne soupçonne apparemment même pas. Au-delà des quelques milliers de militants de l'UMP qui l'éliront comme un seul homme, il existe une armée d'électeurs orphelins qui pourraient bien, demain, faire ou défaire son élection. Gare, donc, à trop jouer la confiance, le vote utile et le rejet évident du président en place. L'heure est trop grave pour ne pas aller chercher, «avec les dents», un véritable mandat réformiste.
Pour nous convaincre à nouveau, Nicolas Sarkozy doit se réinventer en profondeur. Sur la vision, l'amplitude réformiste, l'attitude et la méthode d'action.
Sur le fond, un seul thème émerge de ce retour au suspense digne d'un polar mal ficelé: la différence. «Les socialistes voient toute différence comme une injustice. Moi, je vois toute différence comme une richesse. Jusqu'à présent, la droite attaquait l'égalité par la liberté. C'était une erreur d'analyse. Car c'est toujours perçu comme la liberté du fort sur le faible. Il faut au contraire attaquer l'égalitarisme par les différences», vient-il d'affirmer. De cela, le meilleur comme le pire peut émerger. Le drame serait un mauvais remake de l'étale chiraquien mixé avec le refus congénital de Nicolas Sarkozy de mettre en œuvre, dès 2007 et avant même l'explosion de la crise, la «rupture» authentique pour laquelle il avait pourtant recueilli plus de 53 % des suffrages.
L'éloge de la différence peut toutefois se décliner positivement en définissant un cap authentiquement réformateur, tirant pleinement les leçons d'un concept oublié: l'inégalité juste. Si la France meurt effectivement de son tropisme égalitariste, la réduction décomplexée, sur un temps court et de manière durable et sécurisée, de la progressivité de l'impôt, y compris et surtout sur les personnes et les sociétés les plus riches, les plus innovantes et les plus ingénieuses, ressuscitera en un instant l'envie de se démarquer et de créer, chez nous, la croissance et la compétitivité que l'on incite à déployer hors de nos frontières. Dans le même esprit, l'assouplissement réel du droit du travail, la fin définitive du syndicalisme non représentatif, l'abolition réelle des rentes et des privilèges publics recréeront les bonnes incitations à se dépasser et à se distinguer, pour éventuellement gagner plus, vivre mieux et ambitionner, à l'arrivée, une différence saine et valorisante, car fondée sur l'effort et l'inventivité. Même s'il s'en défendra dans un premier temps, alors que le pays est plus que jamais prêt à entendre ces vérités, Nicolas Sarkozy se convertirait alors, enfin, à l'authentique éthique de la liberté, à l'opposé du renard dans le poulailler, qui donne à chacun la chance de réussir et brise les rigidités de l'actuelle lutte des places.
Autre point à travailler: la France a la religion du changement mais la phobie des réformes. Pour beaucoup de gens, seules les révolutions permettent les ruptures profondes. Nos dirigeants successifs, véritables cyniques du choix politique, miment donc la réforme mais comptent, dans les faits, sur l'explosion imminente de la Cocotte-Minute budgétaire, sociale et religieuse pour basculer enfin, contraints et forcés, vers une réinvention complète de notre modèle social. Ils oublient pourtant qu'en France comme en Russie, qui ont toutes deux été un État avant d'être une nation, il n'y a rien de plus conservateur qu'une révolution. La Révolution française comme la révolution communiste en attestent. S'il ambitionne de nous sauver d'une chute magistrale, Nicolas Sarkozy doit donc mobiliser toute son énergie de conviction au soutien d'une idée forte: la réforme profonde, la vraie, celle qui n'a jamais vu le jour sous la Ve République, celle qui a sauvé tant de pays et nous évitera la révolution destructrice appelée par nos nouveaux jacobins.
Ces derniers, à la gauche de la gauche et, plus encore, à la droite de la droite, seront des adversaires redoutables. Pour résister à la tentation du braconnage sur leurs terres démagogiques et mal inspirées, l'ancien président doit aller à la rencontre des nouveaux défis de ce monde, dans lequel des emplois de millions de cadres seront peut-être remplacés par la puissance de l'intelligence artificielle mariée au génie de l'algorithme et à la perfection des nouveaux robots. Imperceptibles à la table des chefs d'État comme devant un parterre de banquiers, ces déplacements tectoniques plus impressionnants encore que la révolution industrielle et incroyablement bénéfiques s'ils sont savamment appréhendés, n'intéressent pour le moment aucun prétendant à l'Élysée. C'est à cette réflexion profonde, pensant la France dans le concert des mutations, qu'il doit désormais se consacrer.
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