Celui qui voit le problème, et qui ne fait rien, fait partie du problème. – Gandhi
dimanche 3 août 2014
Base-case vs. best-case scenario, le match du futur
Nos hommes politiques se montrent incapables de penser correctement l’avenir. Des prévisions de croissance du programme de François Hollande à la vision de l’avenir, en passant par la courbe du chômage et les investissements de Ségolène Royal, tous se plantent royalement.
Au-delà de sa valeur humoristique, ce phénomène revêt aussi un caractère extrêmement dangereux quand on laisse à des politiciens incapables de penser l’avenir la responsabilité de le préparer. Les trous dans la coque de notre modèle social rongé par les vers leur sont apparemment invisibles, ou les laissent de marbre.
Le Parti Socialiste promettait par exemple d’annuler une réforme des retraites qu’il aurait fallu pousser bien plus loin pour éviter la faillite du modèle d’ici quelques années. Le modèle ne va pas s’équilibrer de lui-même, surtout en tenant compte des évolutions défavorables de l’emploi.
Car pour un homme politique, l’avenir se résume à la situation présente avec une date différente. S’ils étaient capables de comprendre que l’avenir n’est pas identique au présent bientôt passé, ils comprendraient qu’il faut revoir leur base-case scenario, c’est-à-dire leur scénario de base.
La construction d’un bon scénario de base est cruciale en stratégie. Pour prendre des décisions impliquant l’entreprise sur 5 ans, il faut avoir une idée de son évolution la plus plausible sur les cinq prochaines années. Par exemple, le chômage n’est pas uniquement lié au solde des créations d’emplois, mais aussi à d’autres paramètres, comme les arrivées sur le marché du travail et les départs en retraite annuels.
En agissant comme si rien n’allait changer, ou si peu, les hommes politiques nous condamnent tous à assumer la responsabilité de leur mauvaise gestion et de leurs mauvaises prévisions. Depuis 40 ans, les budgets sont votés en déficit ; il faudra un jour régler l’addition, et ce ne sont pas les parlementaires qui le feront. Ils paient déjà bien peu d’impôts…
Les politiciens ne sont pourtant pas incapables de raisonner par scénarios et d’inclure le base-case dans leurs estimations. Lorsqu’ils annoncent des réductions de dépenses, ils se gargarisent également de leur capacité à contenir l’évolution « normale » de la dépense (normale et néanmoins alarmante).
Mais ils font l’erreur de beaucoup de décideurs, qui se réfugient dans un autre scénario : le best-case scenario, le meilleur scénario possible. Ils anticipent pour leurs actions un impact toujours positif et rarement réalisé, établissent des budgets de croissance en période de crise.
Si vos enfants ambitionnent (sic) de devenir hommes politiques, et que vous ne parvenez pas à les en dissuader, apprenez-leur donc à penser l’avenir non comme un autre présent ou un monde de souhaits. Et pour cela, il faut leur faire apprendre le passé. Comprendre que l’histoire n’est pas que le récit de quelques anecdotes, mais la succession des événements qui a fait de nous ce que nous sommes – et aussi ce que nous ne sommes pas.
Expliquez leur comment des civilisations entières ont disparu car elles ont été incapables de revoir leur façon de penser ou leur état d’esprit, de s’adapter à leur environnement changeant et de tenir compte des erreurs de ceux qui ont disparu avant eux. Comment la liberté est toujours confisquée pour les meilleurs motifs et que beaucoup ont accepté par conformisme ou aveuglement ce que nous estimons tous aujourd’hui intolérable et indigne d’un être humain.
Ils comprendront alors que nous aurons disparu dans quelques décennies, et que nous ne serons alors pas regardés différemment de tous ceux qui nous ont précédés. Nos façons de penser seront analysées de la même façon, et nos actions seront jugées sans plus de compassion. Jugées par les héritiers du monde que nous aurons construit sur l’héritage que nous avions alors reçu, qui ne comprendront pas comment nous avons pu faire preuve d’autant de conformisme et d’aveuglement. Qui ne nous pardonneront pas notre ignorance dont nous sommes seuls responsables. Qui riront de nos dettes, à moins qu’elles ne les ruinent ; se moqueront de nos peurs, à moins qu’elles ne les hantent.
Ne laissons pas disparaître d’avance le monde que nous aurions pu leur laisser. Nous nous devons, avant d’apprendre l’histoire à nos enfants, d’en tirer les leçons. Ne soyons pas comme tous ceux qui ont refusé l’effort de faire advenir le monde qu’ils rêvaient. Reprenons en main notre destin, nos libertés, nos vies – et ne nous les laissons plus jamais reprendre.
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