mercredi 23 juillet 2014
La réforme territoriale Hollande : dernier avatar du jacobinisme
La vraie réforme territoriale supposerait, pour être pertinente, qu’on applique strictement le principe de subsidiarité.
Les tares de l’organisation territoriale remontent loin dans l’histoire de France. L’Ancien Régime et la Révolution de Tocqueville avait décrit avec brio le fait que la centralisation caractérisait l’Ancien Régime et que la Révolution avait moins été une rupture qu’une confirmation. L’œuvre de centralisation s’est poursuivie à une tout autre échelle sous la République, puis sous l’Empire. En dépit de plusieurs changements normatifs, la France est restée un pays centralisé jusqu’à l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand.
Les lois de décentralisation de 1982-1983 ont certes desserré l’étau du gouvernement sur les collectivités locales, mais elles ont surtout permis à l’opposition de se constituer des baronnies inexpugnables ou peu s’en faut, motif pour lequel la droite, traditionnellement centralisatrice, s’est en définitive bien accommodée des nouveaux textes. De multiples scandales s’en sont suivis. Le budget des collectivités locales a explosé, au même titre que le nombre des fonctionnaires territoriaux, donc la dette publique et les impôts dits locaux.
Après avoir nié l’évidence lors de la campagne électorale de 2012, François Hollande a découvert il y a peu l’ampleur de la catastrophe. La réponse du pouvoir tient à l’adoption d’une nouvelle réforme territoriale. Le débat, ces derniers jours, s’est focalisé autour du nombre des régions. De 22, il fallait passer à 14, puis à 13 ; des potentats locaux se sont déchirés sur le thème du « Touche pas à ma région ! » en mettant en exergue de médiocres intérêts et en livrant un cas clinique du « marché politique » qui sévit en France. Pourquoi au demeurant vouloir réduire à tout prix le nombre des régions ? Pour constituer des régions à taille européenne – cela rappelle les beaux jours du Gosplan – sur le mode du « big is beautiful ». Pour soutenir les entreprises en accordant à un échelon local le monopole des aides territoriales, nullement pour supprimer les aides, cela va de soi.
Une telle vision, partagée par moult élus de l’opposition, s’inscrit une nouvelle fois dans la lignée d’un jacobinisme et d’un interventionnisme bien français. La réforme vient d’en haut ; elle provient du Deus ex machina que constitue le Président de la République. C’est lui qui tricote et détricote les régions comme un mécano, selon les canons du constructivisme le plus éculé. C’est la « décentralisation centralisée », autrement dit la réforme territoriale à l’envers.
Au contraire, la vraie réforme supposerait, pour être pertinente, le respect strict de la subsidiarité, à commencer par la subsidiarité fiscale. Actuellement, les collectivités locales ne sont pas autonomes parce qu’elles ne bénéficient pas pour l’essentiel de ressources qui leur soient propres et parce qu’elles ne sont pas libres de fixer totalement le poids de l’imposition, au prétexte de la péréquation, traduisons : de l’égalitarisme. Elles en sont donc réduites à quémander des ressources et autres subventions à l’État.
Une véritable réforme territoriale ne peut advenir qu’en donnant au niveau local la place de choix qui lui revient. Les impôts doivent être prélevés localement, ce qui permettra d’une part de rapprocher le contribuable du citoyen, donc de conjuguer consentement de l’impôt et consentement à l’impôt, et d’autre part de juguler l’irresponsabilité des édiles, de créer une concurrence entre les collectivités et les niveaux de collectivités, et de limiter les rentes de situation. On ne se battra plus comme aujourd’hui sur le point de savoir si la région Nord-Pas-de-Calais doit être fusionnée avec la Picardie, si le Poitou-Charentes doit s’adjoindre au Limousin et à l’Aquitaine pour former des ensembles de taille idoine et mieux subventionner les entreprises, ou encore si le nombre des régions doit être réduit à 13 plutôt qu’à 14.
On ne s’écorchera plus sur des questions dérisoires aux yeux des contribuables. On se livrera à la concurrence pour attirer les individus et les sociétés dans des zones de droit, et non plus de non-droit. Quant aux rapprochements entre collectivités locales, ils s’effectueront spontanément et non plus par dirigisme. En ce sens, l’existence actuelle de 37 000 communes en France, loin d’être un poids mort, peut être envisagée comme une véritable richesse.
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