mercredi 2 avril 2014
Les socialistes doivent-ils renoncer au socialisme ?
Les socialistes doivent-ils renoncer au socialisme ?
Paul Ricoeur, dont l'un des principaux conseillers de François Hollande, Emmanuel Macron, fut l'assistant, écrit ceci dans Le Juste: "La sagesse du jugement consiste à élaborer des compromis fragiles où il s'agit de trancher moins entre le bien et le mal, entre le blanc et le noir qu'entre le gris et le gris, ou, cas hautement tragique, entre le mal et le pire." La liberté du président de la République dans le choix de son Premier ministre était une liberté contrainte. Il aurait pu continuer son délire et satisfaire les dingues de l'aile gauche de la majorité, il a préféré tenter de se reconnecter au réel et a nommé pour cela Manuel Valls, qui passe pour être l'un des seuls, à gauche, à admettre que la politique doit être adaptée à l'époque au cours de laquelle elle est mise en oeuvre.
Tactiquement, il y a une habileté connue, qui consiste à remanier juste après la défaite électorale, pour que l'on parle des chaises musicales plutôt que de la sanction des urnes. Ce Waterloo municipal ne doit tout de même pas être oublié : il est la démonstration que, depuis 2012, le socialisme s'est écrasé sur le mur de la réalité. Il prouve que les Français rejettent ce modèle de société qui aboutit à l'égale répartition de la misère. Il est la sanction de la spoliation fiscale orchestrée depuis deux ans par des gens pour qui il n'est d'argent sain que celui qui a transité par les caisses publiques. Il est le rejet du clientélisme local que la gauche avait sans vergogne installé à tous les étages de la démocratie décentralisée, recrutant des milliers d'agents ici pour s'assurer le suffrage de leurs familles, arrosant là toutes sortes d'associations servant uniquement les intérêts des élus PS.
Il faudra tout de même arrêter, un jour, avec cette politique du mensonge, du blocage et de l'entre-soi. Il faudra cesser de s'étonner que tant de gens s'abstiennent de participer à une vie démocratique dans laquelle il est si difficile d'entrer, et dont les responsables rendent si peu de comptes, où tout est si opaque. La France est le pays où il est presque impossible de se présenter à une élection si l'on n'est pas né dans une mairie, où l'on a sciemment créé un faux référendum d'initiative populaire impossible à mettre en oeuvre, où l'on a à dessein rendu impossible de poursuivre par une "class action", enfin existante en droit français, ceux contre qui cette procédure aurait été utile1 : l'impossible, la France est devenue, en dépit du dicton, le pays de l'impossible. Il faut changer les règles du jeu : si la France n'est pas un pays où l'on a le sentiment que tout est possible, elle n'est rien.
Dans son allocution de lundi, François Hollande a reconnu qu'il y avait "trop d'impôts" en France, découvert que "ce sont les entreprises qui créent des emplois" (il faudrait faire passer cette information rue de Solférino), exprimé la volonté de "transformer notre État". Chiche ! Il devra, pour cela, aller à rebours de quarante ans de carrière, faire le contraire de ce que ses camarades et lui ont toujours préconisé et décidé quand ils étaient au pouvoir aussi bien nationalement que localement, démentir la littérature de la fondation Jean-Jaurès ou de la revue Esprit, reconnaître qu'on ne peut pas être d'accord avec Thomas Piketty quand on gouverne, et qu'il a toujours considéré Marie-Noëlle Lienemann, Jérôme Guedj ou Emmanuel Maurel comme de simples bouffons destinés à calmer les ardeurs des assoiffés de l'égalitarisme.
Il devra admettre que la puissance publique n'a pas vocation à prendre en charge tous les aspects de la vie des citoyens, à moins d'être dans le totalitarisme. Il devra renoncer à laisser Najat Vallaud-Belkacem et à travers elle tous les lobbys les plus fous, faire des lois dont l'objectif avoué, sans que cela ne choque personne, est de "changer les mentalités". Cela signifie qu'il lui faudra, sans doute, changer lui-même de mentalité, mais après tout, impossible n'est pas français.
1. Circonscrite au contentieux de consommation, l'action ne couvre pas les domaines de la santé, des finances et de l'environnement.
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