vendredi 11 avril 2014
La guerre des gauches est déclarée
La guerre des gauches est déclarée
Avec l'arrivée de Manuel Valls, homme raisonnable, à Matignon, on allait enfin pouvoir respirer. D'autant que sa nomination coïncidait, entre autres, avec le départ du gouvernement de Mme Duflot du ministère du Logement, où, avec la loi absurde qui porte son nom, elle avait réussi à ruiner pour longtemps la politique de l'habitat en France.
Un Valls ne fait pas le printemps. Certes, le Premier ministre parle vrai, comme son maître Rocard, et il a tout ou presque pour lui : le cran, une tête bien faite, des priorités carrées et la confiance du chef de l'État. Mais il n'a apparemment pas de majorité pour sa politique.
Telle est la désolante nouvelle des derniers jours : la gauche socialiste s'est réveillée ; avec ses jobardises économiques à la Diafoirus, elle entend désormais mettre sous surveillance le président et son Premier ministre, coupables, les apostats, de vouloir stopper la dérive des finances publiques. Là serait la cause de tous les maux, et en particulier de la déroute des municipales.
La gauche du PS a bonne conscience. C'est normal : elle est de gauche, c'est un métier et, en plus, un brevet moral. Donc, même quand tout va mal, elle dort bien la nuit, ce qui ne l'empêchera pas de troubler, dans les prochaines semaines, le sommeil de MM. Hollande et Valls.
Si la politique du président n'a pas donné les résultats escomptés, c'est qu'il n'est pas assez à gauche. Emmanuel Maurel, l'un des chefs de file de l'aile dure, a trouvé depuis longtemps l'explication à l'abyssale impopularité du pouvoir : il ne serait pas assez socialiste, figurez-vous ! Il suffisait d'y penser.
Défense de rire. Une centaine de députés socialistes sont sur cette ligne stupide, et le mot est faible. Gageons qu'on trouvera bientôt parmi eux quelques cruches pour déclarer que tout ira mieux avec de nouveaux impôts et quelques nationalisations supplémentaires. Sans oublier une vague d'embauches dans la fonction publique.
La gauche tribunicienne, comme on dit à Sciences po, prétend rester fidèle à de grands principes généreux qu'elle étale comme du miel sur la tartine, la bouche en coeur et la fleur au fusil. Son programme : moins d'Europe et plus de dépenses. Telles sont, selon elle, les conditions du redémarrage de l'économie, qui pourtant, les faits nous l'ont appris, ne peut repartir que sur des bases saines.
Même s'il lui arrive de se dire marxiste, cette gauche soi-disant populaire est, comme la noria souverainiste, l'héritière intellectuelle du bon pharmacien Émile Coué de la Châtaigneraie (1857-1926), initiateur de la fameuse méthode Coué et inventeur avant l'heure de la prophétie autoréalisatrice. Il avait mis au point une sorte de culte et distribuait à ses patients des cordons à vingt noeuds, comme des chapelets, afin qu'ils récitent continuellement la même phrase : "Tous les jours et à tous points de vue, je vais de mieux en mieux."
Les récitants socialistes du catéchisme néo-con répètent en boucle : "Dépensons et empruntons plus, ça ira mieux." Ne faisant jamais dans la nuance, la gauche de la gauche est convaincue que le monde est divisé en deux. Les gentils et les méchants. Les bons travailleurs et les horribles patrons, suceurs de sang des pauvres. La réjouissante dictature cubaine et l'atroce démocratie américaine. Le dévoué secteur public et le secteur privé.
Si l'économie française décline, qu'à cela ne tienne, Le Monde diplomatique, porte-parole de cette gauche neuneu, a la solution : il faut taxer les riches et relancer la dépense, quitte à creuser les déficits et augmenter la dette. Qu'importe si cette politique débile plomberait davantage les comptes publics et nous éloignerait davantage des perspectives de croissance.
La capacité d'aveuglement de la gauche de la gauche est sans limite. Elle ne tire jamais les leçons du passé. Elle refuse de voir les réalités les plus évidentes : ainsi, les centaines de millions de personnes que la mondialisation a permis de sortir de l'extrême pauvreté au cours des vingt dernières années. C'est un tabou au même titre que le début de "miracle" africain, qui semble gêner nos idéologues antédiluviens, encore dans le déni. Ces phénomènes ne correspondent pas à leurs codes mentaux. Dans les deux cas, c'est en effet le libéralisme économique qui tire vers le haut des populations qui, il n'y a pas si longtemps, figuraient parmi les damnés de la terre.
Mme Aubry peut savourer sa revanche "posthume". Après son échec à la primaire, elle a au moins réussi à pourrir le quinquennat de M. Hollande : lui laissant en héritage un groupe parlementaire Vert, elle a également parachuté dans les circonscriptions une escouade de jeunes invertébrés archéo-socialistes qui, depuis peu, lèvent l'étendard de la révolte contre une politique qualifiée, oh ! le gros mot, de "sociale-démocrate". Des bombes à retardement. Elles peuvent désormais exploser à tout moment, rendant possible le scénario de la dissolution.
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