TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

dimanche 5 janvier 2014

Vœux de mots

Vœux de mots


À genoux devant un gros tas, l'homme agacé jette des paroles en l'air. Crise : à toutes les sauces ; mondialisation : l'excuse facile ; vent debout : souvent à contre-sens ; niche : le chien va faire la gueule ; mou : trop politique ; tendances : des girouettes ; indices : chacun y voit midi à sa porte ; ras-le-bol fiscal : au palmarès des mauvaises idées de Bercy ; compétence : la tour d'ivoire des technocrates ; taxes, TVA, impôts : les outils de la crispation ; marchés financiers : le grand méchant loup ; vivre ensemble : mort sur le front du racisme ; riches : à partir de 75 % ; extrême droite : Céline sans le talent ; politique économique : l'auberge espagnole ; retour : vers le passé ; désespérance : bactérie multirésistante.
Dans la grande corbeille des mots de tous les jours, il faut fouiller et farfouiller encore pour dénicher quelques vocables d'espoir. Avenir, réussite, jeunesse, bonheur, confiance… ces mots simples auxquels trop souvent le flot médiatique préfère la grisaille catastrophiste ou la raillerie, cette forme hypocrite du désespoir. Nous doutons du présent et nous croyons que l'avenir pourrait être une menace plus qu'un projet. Avec des airs de lucidité censés sauver les apparences, nous traînons notre misère dans un monde sans futur.
Ensuqués par cette déprime chronique, nous nous suffisons d'une pensée dominante mollassonne et de pseudo-expertises que l'on nous oppose pour nous ramener à notre condition de citoyens ordinaires et non-sachants. Et si d'aventure quelque injustice nous pousse à l'indignation, voire à la révolte, alors on nous ressert l'obligation de réduire la dette et le mitterrandien «… on a tout essayé ». De ce sentiment d'impuissance et de la contrainte rebattue vient la torpeur ankylosante qui nous coupe le goût d'un possible autrement.
Faisons en ce début d'année le v'u de dresser la barricade des mots et de l'espoir contre la si lourde désespérance qui nous réduit au rang de spectateurs avachis. Faisons v'u aussi de nous rappeler du futur qu'il faut rendre possible plutôt que de chercher à le prévoir. Adieu les Trente piteuses, un autre monde est possible. Celui d'un avenir qui rende notre présent meilleu.

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