vendredi 13 décembre 2013
Ils en attendent "un discours nettement à droite" : mais que mettent exactement derrière le mot droite les électeurs potentiels de Nicolas Sarkozy ?
Guillaume Peltier : "Nettement à droite" s’entend par opposition à "modérément à droite" qui était l’autre possibilité de réponse proposée par PollingVox, choisie par 39% des sympathisants de droite. C’est, il me semble, l’idée très simple d’une droite qui s’assume de droite, qui ne s’excuse pas de ne pas être de gauche. Plus largement l’idée de "nettement" renvoie à l’idée de courage c’est-à-dire de la capacité à porter des idées nouvelles et audacieuses.
Jérôme Fourquet : Nous avons réalisé un sondage identique pour Le Figaro Magazine où 24% des sympathisants UMP souhaitent qu'en cas de retour au pouvoir, Nicolas Sarkozy mette en œuvre une politique "de droite modérée", 55% "de droite" et 8% "très à droite". En résumé, 2/3 des sympathisants UMP veulent que Sarkozy mène une politique de droite, mais pas forcément très à droite. Le reste est sur un positionnement plus centriste. Ce résultat se retrouve d'ailleurs ans le classement des personnalités UMP préférées de sympathisants : Nicolas Sarkozy, François Fillon et Alain Juppé.
Au sein de l'électorat UMP, 6 électeurs sur 10 sont les tenants d'une ligne à droite, une droite assumée, décomplexée, mais qui n'est pas pour eux l'extrême droite. Cet électorat ne se voit pas comme un électorat extrême mais comme un électorat qui veut afficher ses valeurs. Cela nous place clairement dans la continuité du quinquennat de Nicolas Sarkozy et surtout de la deuxième moitié de sa campagne en 2012.
Guillaume Peltier : Tester des mesures concrètes plutôt qu’un positionnement général ! La grille de lecture très à gauche, un peu à gauche, un peu à droite ou très à droite me paraît, si ce n’est périmée, du moins peu pertinente. Parce que les Français ne croient plus en la crédibilité de la parole publique et sont défiants vis-à-vis des partis politiques. Le siècle des idéologies est dépassé. Nous sommes dans celui du pragmatisme. C’est pourquoi il est toujours intéressant de tester des idées : l’alignement public/privé des régimes de retraite, le rétablissement du jour de carence pour les fonctionnaires, la suppression des régimes spéciaux, la réforme du droit du sol, le rétablissement du ticket modérateur pour l’AME…
Quels thèmes sont caractéristiques d'un positionnement clairement à droite ? Comment a évolué l'opinion des sympathisants UMP et des électeurs de Nicolas Sarkozy sur ces thèmes ?
Guillaume Peltier : Le champ du régalien bien entendu, mais pas seulement. C’est aussi l’idée de la protection face à la mondialisation, de la liberté et de la souplesse dans le monde du travail parce qu’avant de redistribuer la richesse, encore faut-il la créer… Et surtout l’idée centrale du mérite qui permet d’offrir une nouvelle grille de lecture à la société fondée sur l’ascension sociale. Je ne suis pas certain que le clivage droite/gauche fonctionne à plein ; à mon sens, depuis Maastricht, à ce clivage horizontal s’est substitué un clivage vertical entre les élites et le peuple. C’était le sens de la campagne 2012 de Nicolas Sarkozy : une campagne au peuple. Je crois que les Français ne nous ont pas reprochés une campagne trop à droite (réflexe de Pavlov des commentateurs politiques) mais de ne pas être aller assez loin dans nos réformes pendant le quinquennat.
Jérôme Fourquet : On a d'abord un axe classique et social avec un positionnement clairement à droite et libéral. Concrètement, cela passe par la remise en cause des 35 heures, un programme de réduction massif des dépenses et des déficits publics, un retour à la règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, des mesures contre l'assistanat, pour un allègement des charges, de la réforme du code du travail, etc. Ce sont des mesures qui pourraient être prises très rapidement par ordonnance en cas de victoire de la droite en 2017.
Sur la dimension identitaire et sécuritaire, on parle d'une réforme de la justice et d'un débat sur les peines planchers. Surtout, les sympathisants réclament d'avantage de fermeté en matière d'obtention de la nationalité française.
On voit que sur ces différents thèmes, il y a une radicalisation de l'électorat UMP, un durcissement encore plus net sur les thématiques identitaires et sécuritaires. C'est ce qui fait croire à certains qu'il y a une fusion des droites mais je pense que ce n'est pas encore le cas.
Guillaume Peltier : 9 électeurs de droite sur 10 souhaitent par exemple la remise en cause de l’acquisition automatique de la nationalité française. Ce plébiscite n’est peut-être pas surprenant, mais ce qui est nouveau, c’est que les Français dans leur ensemble y sont très largement favorables (72%) et qu’à gauche, se dégage presque une majorité sur cette idée, à 47%... (sondage BVA/Itélé, octobre 2013)
Jérôme Fourquet : J'ai rédigé, avec Marie Gariazzo, une note pour la fondation Jean-Jaurèssur ce sujet en septembre 2013 et qui montre que, de 2006 à 2013, le positionnement des électeurs UMP en matière d'immigration s'est durci. Ainsi, en septembre 2013, 87% des sympathisants UMP pensaient qu’" il y a trop d’immigrés en France", soit 25 points de plus qu'en avril 2006. Du côté du FN, ils sont 96%, à penser la même chose.
Guillaume Peltier : Les Français – sympathisants de gauche comme de droite – sont majoritairement favorables aux mesures dites sécuritaires, comme par exemple la mise en place de caméras de vidéoprotection dans les villes. La gauche a fait sa révolution sémantique sur ce sujet : regardez comme les déclarations d’un Manuel Valls sont aux antipodes du "sentiment" d’insécurité dont parlait Lionel Jospin en 2002. Mais le problème s’est en réalité décalé : si les Français reconnaissent que les policiers font bien leur travail, c’est le laxisme de la justice qui est sévèrement pointé du doigt. Sur ce point, la politique pénale de Madame Taubira (la suppression des peines-planchers par exemple) ne va pas dans le sens d’une réconciliation des Français avec leur justice.
Jérôme Fourquet : Sur ce thème aussi leur positionnement s'est durci. La période est objectivement plus dure avec la crise économique mais l'électorat UMP, ou au moins une partie, a considéré que la politique menée par Nicolas Sarkozy n'était pas à la hauteur des attentes de 2007. Dans la dernière partie de son mandat, il y a eu une prise en compte de ce décalage grandissant pour faire comprendre que ce message était entendu. C'est qui a donné naissance à cette parole décomplexée de la part d'une frange de l'UMP.
Guillaume Peltier : Je ne suis pas certain qu’il existe ne serait-ce qu’un seul Français qui ne soit pas favorable à une baisse des impôts, après le matraquage fiscal imposé par le gouvernement de François Hollande. Sur cette question, le ras-le-bol fiscal s’est mué en explosion sociale. François Hollande aura réussi le "tour de force" de se mettre à dos la France du travail, il aura réussi à réveiller la France laborieuse, habituellement silencieuse. Qu’ils s’appellent, pigeons, poussins, dindons ou bonnets rouges, ce sont les artisans, commerçants, les professions libérales, les agriculteurs, les profs de prépa, qui manifestent leur exaspération fiscale avec un seul mot d’ordre : laissez-nous travailler en paix ! Regardez comme les chiffres sont éloquents à cet égard : février 2011, 27% des Français jugent "excessif" le montant de leurs impôts (51% "assez élevé"). En novembre 2013 ils sont 45%, soit un bond de 18 points ! (43% "assez élevé", selon un sondage Ifop/Le Figaro novembre 2013). Enfin, dans ce contexte, il n’est pas anodin que la fiscalité apparaisse comme le premier enjeu pour les municipales de mars prochain (à 51%) devant la sécurité (32%). Par dela la fiscalité il nous faudra surtout une audace nouvelle dans la baisse des dépenses publiques (réduction du nombre de fonctionnaires, réforme de la Sécurité sociale…) .
Jérôme Fourquet : L'électorat adhère 5 sur 5 au discours de l'UMP en la matière qui dénonce à l'envi le matraquage fiscal. Leur positionnement s'est radicalisé également sur l'impôt et ils sont globalement devenus très sensibles à la question du déficit public. D'une manière générale, ils considèrent qu'il est urgentissime de tailler dans les dépenses. Ils sont en outre favorables à la réforme fiscale proposée par Ayrault.
Guillaume Peltier : Les sympathisants de droite étaient très majoritairement opposés au mariage et surtout à l’adoption par les couples de même sexe. Sur l’AME, l’idéologie socialiste l’a emporté sur le bon sens et s’est traduite par la suppression du ticket modérateur. Résultat, l’AME, exclusivement destinée à plus 250 000 sans-papiers, pourrait coûter, selon les prévisions, près de 820 millions d’euros en 2013 contre 700 millions en 2012… Ce sont ces dérives qui exaspèrent nos compatriotes, de droite comme de gauche… La droite de demain que j’appelle de mes vœux, c’est la droite du courage et du mérite !
Jérôme Fourquet : Sur l'AME, ils sont assez remontés. C'est également le cas sur le mariage pour tous même s'ils étaient essentiellement opposés non pas au mariage mais au droit l'adoption qui en découlait. Sur ces thématiques, on retrouve grosso modo la distinction entre un tiers qui prônent un recentrage des idées et deux tiers qui veulent une droite assumée. Les deux tiers des sympathisants UMP sont aujourd'hui favorables à la suppression de l'AME et de la loi Taubira.
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