jeudi 2 mai 2013
Pas d’union nationale alibi…
Une majorité de Français, selon un sondage paru dans le dernier JDD, plébisciteraient l’idée d’un gouvernement d’union nationale. Ce souhait d’une droite et d’une gauche unissant leurs forces et leurs talents (que souvent elles n’ont pas) pour essayer de résoudre au mieux une situation difficile n’est pas nouveau. A trois reprises – Mitterrand-Chirac, Mitterrand-Balladur, Chirac-Jospin – les Français ont accueilli avec une bienveillance imméritée des périodes de cohabitations paralysantes, qui ont surtout renforcé l’immobilisme des équipes dirigeantes. De son lointain héritage monarchique le peuple français garde sans doute, même de façon subliminale, cette nostalgie d’une union nationale mise à bas par l’avènement de la République.
Giscard d’Estaing avait cru pouvoir récupérer cette nostalgie d’union, affirmant que la France se gouvernait au centre. En fait, le pouvoir giscardien oscilla constamment entre une gauche sociétale et culturelle affirmée et une gouvernance économique étatico-technocratique, où le néo-libéralisme commençait timidement à pointer du nez.
Le centrisme est un leurre, comme l’est plus ou moins de nos jours l’idée d’union nationale. L’un et l’autre existent comme aspirations, mais sont dans l’impossibilité de se matérialiser, tant sont lourdes, dans notre pays, les pesanteurs politico-sociologiques et les contraintes qui en découlent. D’ailleurs, les Français ne revendiquent pas spontanément l’union nationale. A la question de savoir s’ils y sont favorables, 78 % d’entre eux, angoissés par un contexte économique inquiétant et les tâtonnements incertains du pouvoir actuel, ont répondu, désabusés, une sorte de : Bof ! Pourquoi pas ? Au point où nous en sommes… Pourquoi pas l’union nationale ? Sans se rendre compte que celle-ci ne ferait, dans la plupart des cas, qu’ajouter, sinon de la division à la division – les partis de l’UMPS sont globalement d’accord sur les grandes orientations politiques : l’Europe, la monnaie unique, l’immigration, le commerce mondialisé, l’ouverture des frontières, le laxisme judiciaire, la négation des identités nationales, l’hédonisme généralisé – du moins du méli-mélo à la confusion.
Un « doux rêve » compagnon du cauchemar…
Beaucoup de nos concitoyens ne semblent d’ailleurs pas avoir des idées très claires sur cette question. Ainsi, l’éditorialiste duJDD, Bruno Jeudy, qui passe pourtant parmi ses pairs pour un fin connaisseur de la chose politique, écrit : « C’est le doux rêve français. Celui de l’union nationale. Deux mots magiques qui fleurent bon la nostalgie des Trente Glorieuses. L’époque du plein emploi, de la forte croissance. Celle du général De Gaulle… ». Période qui fut loin d’être d’union nationale puisque les fantômes de la guerre civile hantèrent de façon sanglante la fin de la quatrième République et les débuts de la cinquième. Quant à l’union nationale, en fait de « doux rêve », cette dernière a toujours eu des accointances dramatiques avec les pires cauchemars nationaux. Celui par exemple de la guerre 14-18. Ou alors, à la Libération, elle fut empruntée comme une voie étroite, durant dix-huit mois cahoteux, pour sortir de la Seconde guerre mondiale et de quatre années d’Occupation… « Doux rêve » en effet !
Certes, François Hollande possède une « boîte à outils ». Mais achetée au magasin de farces et attrapes. Ses électeurs s’en sont rendu compte, mais trop tard. Ils avaient déjà installé le farceur à l’Elysée. Avec des cartes, mêmes biseautées, bien en mains, puisque la gauche détient la majorité dans les municipalités, les conseils généraux et régionaux, l’Assemblée nationale et le Sénat. Autant dire qu’elle truste tous les pouvoirs. Y compris le pouvoir médiatique, judiciaire, intellectuel, syndical. Le président de la République a donc, malgré un « manque de résultats » évident et son cheminement hésitant de « louvoyeur » incurable, les moyens de poursuivre sa politique. Aujourd’hui, certes, il n’a plus dans sa boîte à outils que des mots usés et mensongers, devenus à peu près inutilisables. Mais s’il ne se sent pas à la hauteur du travail à accomplir, qu’il en tire les conséquences en démissionnant. Ou alors qu’il dissolve l’Assemblée et laisse la nouvelle majorité que les électeurs auront désignée, y compris des élus du Front national, gouverner… Mais surtout pas d’union nationale pour servir de rustine, ou d’alibi bidon, à une gauche en pleine démonstration d’incompétence.
PS : polémique à la grosse Bertha
Claude Bartolone (voir Présent de mardi) voulait une « confrontation » avec Berlin. Sa phrase fracassante a ouvert une polémique sur trois fronts : avec nos voisins germaniques, actuellement très irritables, avec l’opposition de droite, donnant ainsi à Fillon et à Copé l’occasion de se rabibocher et enfin une bisbille socialo-socialiste. La gauche du PS a aussitôt emboîté le pas au président de l’Assemblée nationale pour partir en guerre (en dentelles roses, rassurez-vous) contre Angela Merkel et la « droite européenne ». L’ancien prof d’allemand Jean-Marc Ayrault, pour calmer le jeu, s’est fendu d’un twitt en langue germanique dont voici la traduction française : « On ne résoudra pas les problèmes de l’Europe sans un dialogue intense et sincère entre la France et l’Allemagne. » Trois membres de son gouvernement ont aussitôt abondé dans son sens. Manuel Valls a jugé les propos du président de l’Assemblée nationale « irresponsables, démagogiques et nocifs ». Il faut dire que Valls et Bartolone sont en compétition pour, le moment venu, succéder à Jean-Marc Ayrault à Matignon. Michel Sapin (troisième candidat, mais plus discret) trouve le terme confrontation « totalement inapproprié et inadapté ». Pierre Moscovici, quant à lui, estime « contre-productif » la position anti-Merkel de Claude Bartolone. Ce dernier, selon un chroniqueur politique, rêverait, s’il forçait les portes de Matignon, d’incarner à son tour le « tournant de la rigueur » mais de manière inverse à celui pris en 1983 par Pierre Mauroy et son ministre de l’Economie et des Finances, Jacques Delors. Le tournant de Bartolone tournerait résolument le dos à celui de la rigueur pour prôner la relance à tout va. Comment ? En ouvrant de nouveau toutes grandes les vannes du crédit. Avec pour résultat annoncé de faire monter toujours davantage nos déficits et notre surendettement dans lesquels nos emplois et notre niveau de vie sont déjà en train de s’engloutir. Aucune chance, bien sûr, que les Allemands acceptent jamais ce genre d’éclusage pour faire passer le bateau d’une relance fantôme guetté par le naufrage dès sa mise à l’eau
Une situation tendue dont Hollande porte la responsabilité. Sa petite phrase sur la « tension amicale avec l’Allemagne » est bien à l’origine de cette polémique et des « embrouilles » qui en découlent. Cette tension amicale – Hollande aime les anaphores, mais aussi les oxymores – le Boutefeu Bartolone et son équipage d’élus socialistes au bord de la mutinerie l’ont élevée, de façon inamicale, jusqu’à l’hypertension…
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