lundi 31 décembre 2012
Symbole et confuses paroles
Symbole et confuses paroles
Baudelaire, dans les Fleurs du mal, fait rimer « confuses paroles » et « forêt de symboles » (*). Le poète y parlait de la Nature, mais l’actualité politique se prête au même rapprochement. La mesure phare du programme présidentiel – la taxation à 75 % au-delà d’un million d’euros de revenus – a été retoquée ce week-end par le Conseil constitutionnel, et la décision assombrit une fin d’année déjà terriblement noire et agitée pour François Hollande.
Les Sages, ainsi que l’on surnomme les garants du respect de la Constitution, s’appuient sur un argument technique : cette imposition des très riches a été calculée sur une base individuelle au sein des foyers fiscaux, et non sur la base du couple. C’est donc davantage son application que la taxation elle-même qui est ainsi censurée.
Mais les dégâts ne sont pas moindres pour le chef de l’État. S’il revendiquait très personnellement une proposition de campagne, c’est bien celle-ci. Elle lui avait permis, début 2012, d’établir un clivage emblématique avec la droite, tout en prenant la gauche de la gauche sur son propre terrain. Il en a engrangé les dividendes dans les urnes, mais les symboles peuvent avoir des itinéraires imprévisibles. Pour minimiser la décision du Conseil, le gouvernement – qui annonce, de façon téméraire, le rétablissement du dispositif sous une autre forme – fait valoir qu’il rapporte fort peu (moins de 0,3 % du total de l’impôt), ce qui est vrai, mais démontre aussi que cette mesure était plus destinée à l’affichage qu’à une rentrée effective d’argent.
En parallèle, l’échec du président de la République redonne des couleurs à tous ceux, opposition de droite ou ultra-riches contribuables comme les vedettes du football, qui avaient contesté ce prélèvement, qu’ils qualifiaient de « confiscatoire ».
De plus, le PS se divise dans ses commentaires, les uns s’en prenant aux Sages en les accusant de partialité politique – un classique pour tout pouvoir en difficulté – les autres en acceptant leurs décisions.
François Hollande annonce que l’année 2013 sera « dure », mais si elle est l’image de la fin 2012, elle risque d’être carrément ingérable. Cette censure d’un symbole illustre un autre symbole : celui d’un pouvoir qui doit sortir de l’ambiguïté. Et, dirait Baudelaire, des « confuses paroles ».
* « La Nature est un temple ou de vivants piliers Laissent parfois sortir de confuses paroles ; L’homme y passe à travers des forêts de symboles Qui l’observent avec des regards familiers. » Poème « Correspondances » in Spleen et Idéal, « Les Fleurs du Mal », de Charles Baudelaire.
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