• On l’a su après-coup, Manuel Valls a pris la parole sur le
parvis de Notre-Dame de Paris, le 12 décembre, pour les 850 ans de la
cathédrale. Le ministre n’arrête pas ces temps-ci d’exprimer ses
sentiments laïquement religieux, mais ses discours sont comme
semi-publics, ils ne suscitent guère d’écho, ou pas du tout, dans les
grands médias francophones, on n’arrive à en connaître la teneur que peu
à peu et par fragments.
• Le discours sur le parvis de Notre-Dame a suivi de peu
celui que Jeanne Smits a révélé et commenté dans notre numéro de samedi
dernier, et qui avait été tenu aux Rencontres de la laïcité organisées
par le groupe socialiste à l’Assemblée nationale. La question religieuse
est donc d’une pressante actualité dans la tête du ministre.
• Nous apprenons par La Croix que, sur le parvis de Notre-Dame, le ministre en charge des cultes a découvert une « continuité incontestable » entre :
– d’une part, ce qu’il appelle « la foi en l’humanité », qui est (croit-il) celle de l’Eglise,
– et d’autre part « les principes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui sont au fondement de notre droit ».
• La « foi de l’Eglise » est plus exactement la première des
trois vertus surnaturelles dites « théologales », c’est-à-dire ayant
Dieu pour objet immédiat et principal, et tout ce que Dieu a révélé ; et
c’est Lui qui l’infuse en nous. La « foi en l’humanité », si elle
existe, ne saurait être, au plus, qu’une croyance ; ou une opinion.
• La « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » est
bien celle de 1789, qui effectivement est « au fondement de notre
droit » (républicain) selon la Constitution de notre Ve République.
Principalement par ses articles 3 et 6, la Déclaration disqualifie toute
autorité et toute loi morales qui se prétendraient supérieures au
pouvoir politique. Celui-ci a tiré comme première conséquence
institutionnelle des droits de l’homme d’imposer, avant toute autre, une
« Constitution civile du clergé » (12 juillet 1790). Elle précédait de
plus d’une année la première Constitution politique (3 septembre 1791).
Depuis lors, toute démocratie des droits de l’homme a pour principe
fondamental la soumission de l’Eglise au pouvoir politique républicain.
Aujourd’hui ce principe s’exprime par l’intention proclamée d’opérer
dans les religions, mais surtout dans l’Eglise catholique, l’épuration
des « extrémismes » ou « intégrismes ». Sont ouvertement désignés comme
tels les catholiques qui contestent le droit à l’avortement et le droit
au mariage homosexuel.
• Surtout depuis un demi-siècle, une grande partie du laïcat
et du clergé catholiques s’efforce de s’approprier le vocabulaire de la
démocratie des droits de l’homme. C’est pour le moins un diabolique
quiproquo. On croit qu’il suffit de déclarer qu’une « démocratie
authentique » est celle qui « ne consiste pas simplement en la
souveraineté de la majorité ». Or justement : cette souveraineté de la
majorité politique est le principe, le principe faux, mais le principe
fondamental des « droits de l’homme ». Et le comble, c’est que cette
souveraineté suprême est en fait une supercherie.
mardi 18 décembre 2012
Quiproquo diabolique
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