mercredi 15 août 2012
La main invisible de la plage
À la plage, l'interaction des différents intérêts particuliers dans la limite de certaines règles intuitives, produit un ordre qui n'a pas été décidé par un législateur et qui n'obéit à aucun dessein.
En écrivant un article ayant pour thème le déployé de serviette sur la plage, j'ai bien conscience d'offrir un angle d'attaque inespéré à tous ceux qui ponctuent mes posts de commentaires aussi imaginatifs que peu amènes.
Camarades, c'est vrai, je l'avoue, je suis déjà parti en vacances au bord de la mer, et même plusieurs fois de suite. Je complète cet outing en précisant que les faits se sont produits dans plusieurs pays différents et notamment, mais pas seulement, tout autour du bassin méditerranéen. Cet aveu devrait entrainer pour certains, une bourdivine excommunication : « D'où parles-tu ? Es-tu ouvrier, travailleur social, chômeur en fin de droits, immigré en situation irrégulière ? »
Non, je suis à la plage, mais je vais quand même vous soumettre cette courte réflexion sur la façon dont les vacanciers disposent leurs serviettes sur ces étendues sableuses que l'administration n'a toujours pas songé à strictement réglementer.
Premier cas de figure : vous arrivez sur une crique déserte. Vous choisissez évidemment le meilleur coin, celui où l'eau est claire, le sable le plus blanc et vous posez vos affaires. Ce qui se passe alors est très clairement l'auto-attribution d'une propriété temporaire. Vous avez le sentiment justifié d'être le propriétaire de votre emplacement. Vous n'avez rien payé mais vous éprouvez le droit de conserver la zone sous votre contrôle privatif, c'est-à-dire en en excluant les autres. Si une famille venait à se présenter sur la crique, il est clair qu'elle ne pourrait pas s'installer à votre emplacement, et non seulement ça, mais elle devrait respecter une certaine distance pour placer ses affaires. Si les nouveaux arrivants se collaient à vous cela serait ressenti comme sans gène voire un tantinet agressif. Que les insupportables marmots des voisins viennent projeter du sable sur votre serviette et ils seront reçus soit avec une franche hostilité soit avec un sourire crispé : « allez jouer plus loin les enfants ! » On a bien là l'expression d'un « droit de » propriété, qui est profondément ancré dans la nature humaine et qui n'a jamais été accordé par personne, ni par un « chef de plage », ni par la législation.
Dans le deuxième cas de figure, la plage se remplit et la zone privative entourant chaque occupant se réduit. Votre intérêt en tant que nouvel arrivant consiste à vous placer dans un endroit relativement dégagé. Vous cherchez donc un « trou ». En faisant cela vous modifiez la distance minimum d'implantation acceptable par vos voisins. Il devient de plus en plus difficile de râler si quelqu'un se rapproche car il en a tacitement le droit.
Il existe une multitude d'autres règles qui s'appliquent aux différents cas schématisés ici. Par exemple dans notre deuxième cas, un homme mur dans la force de l'âge évitera de placer sa serviette entre deux groupes de jeunes filles. L'emplacement est implicitement « réservé » à un groupe de garçons du même âge. Autre exemple, s'il y a des algues dans l'eau à un endroit de la plage mais pas à un autre, il est tacitement admis que la densité de serviettes sera plus forte en face de la zone dégagée. Le fait de s'installer là, au lieu d'aller occuper un emplacement plus vaste ailleurs sera toléré.
Le troisième cas de figure, c'est la plage de Juan-les-pins le 15 août. Densité maximum avec des règles légèrement modifiées et étendues par rapport aux situations précédentes. La zone de propriété privée reste clairement la serviette mais ces dernières en viennent à se toucher. Il n'y a pratiquement plus d'espace disponible, c'est-à-dire de sable visible, sauf celui qu'une famille ou un groupe se sera réservé à l'intérieur de l'espace délimité par ses propres serviettes. Les anciens propriétaires, ceux qui sont arrivés tôt le matin parce-qu'ils-n'ont-pas-passé-la-nuit-en-boite, eux, disposent d'un espace vital supérieur aux autres. Il ne peut plus y avoir de nouvel arrivant sauf à se faire céder un emplacement privatif par un groupe connu ou à guetter un départ.
Le troisième cas de figure, c'est la plage de Juan-les-pins le 15 août. Densité maximum avec des règles légèrement modifiées et étendues par rapport aux situations précédentes. La zone de propriété privée reste clairement la serviette mais ces dernières en viennent à se toucher. Il n'y a pratiquement plus d'espace disponible, c'est-à-dire de sable visible, sauf celui qu'une famille ou un groupe se sera réservé à l'intérieur de l'espace délimité par ses propres serviettes. Les anciens propriétaires, ceux qui sont arrivés tôt le matin parce-qu'ils-n'ont-pas-passé-la-nuit-en-boite, eux, disposent d'un espace vital supérieur aux autres. Il ne peut plus y avoir de nouvel arrivant sauf à se faire céder un emplacement privatif par un groupe connu ou à guetter un départ.
Il y a aussi des règles assez complexes de non enclavement. Tout groupe de serviettes doit pouvoir accéder à la mer et sortir de la plage. Si les propriétés se touchent au sens propre, il en résultera des « droits de passage », qui permettront à un vacancier de piétiner le bord, attention, pas le centre, des serviettes situées sur le chemin de la baignade ou vers la sortie.
Le propre de toutes ces règles, comme du sentiment de propriété, c'est qu'elles n'ont jamais été écrites ou décrétées par personne. C'est un cas d'école d'un ordre spontané libéral particulièrement efficace et, on le remarquera, assez égalitaire dans ce cas précis.
L'interaction des différents intérêts particuliers dans la limite de certaines règles intuitives, produit un ordre qui n'a pas été décidé par un législateur et qui n'obéit à aucun dessein. C'est en quelque sorte, « la main invisible de la plage ».
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