jeudi 26 juillet 2012
Clauses abusives d’assurance-emprunteur : le scandale qui pourrait faire couler les banques françaises
Selon une décision du Conseil d’État
donnant raison à l'UFC Que choisir, les banques devront reverser 16
milliards de surprimes aux clients qui ont souscrit des assurances
emprunteurs. En pleine crise bancaire, l'empressement du Conseil d’État
aurait-il un lien avec les poursuites judiciaires engagées contre Xavier
Musca ?
Coup de tonnerre dans le paysage bancaire
français : lundi 23 juillet, le Conseil d’Etat a donné raison à
l’association «UFC Que choisir?» dans son recours contre
la réglementation en vigueur dans le domaine de l’assurance emprunteur.
Cette décision capitale et assez inattendue permet à tous les
emprunteurs de France et de Navarre de réclamer à leurs banques les
surfacturations pratiquées par celle-ci avant 2007 dans leur contrat
d’assurance-vie contracté à l’occasion d’un emprunt. Une peccadille de
15 milliards d’euros au moins.
C’est un
dossier technique que le Conseil d’Etat a tranché avec fracas lundi
dernier : celui de l’assurance-emprunteur. Sujet opaque pour les
clients, l’assurance emprunteur est en vérité une formidable mine d’or
pour les banques.
En effet, lorsqu’un
client emprunte de l’argent, il est généralement obligé de contracter
une assurance-emprunteur, qui rembourse le crédit à sa place en cas de
décès. Ce marché s’élèverait à environ 8 milliards d’euros annuels en
France.
Dans la mesure où le coût
de l’assurance est très faible par rapport au remboursement principal du
crédit, les clients se posent rarement la question de son montant et de
sa facturation. C’est de cette manière que les banques sont
accusées, notamment par UFC Que choisir, d’avoir surfacturé illégalement
le coût des contrats à leurs clients. Cette surfacturation
était parfois de 100%. Autrement dit, là où l’assurance devait coûter 50
euros mensuels, elle était facturée 100 euros.
Pour
parvenir à ce petit montage fructueux, les banques ont bénéficié d’une
discrète bénédiction donnée par Pierre Bérégovoy en 1984.
Celui-ci avait pris un arrêté qui dérogeait à la loi théoriquement
applicable aux assurances emprunteurs. Cataloguées dans l’espèce
«assurance-vie», l’assurance emprunteur obéissait à un principe simple :
les bénéfices appartiennent aux assurés. Autrement dit, si le contrat
dégage de l’argent, celui-ci est rendu aux clients.
En
1984, Bérégovoy a accordé aux banques le droit de garder pour elle (et
pour l’assureur) le bénéfice des contrats emprunteurs. Ce qu’on appelle
ouvrir la boîte de Pandore. En effet, jusqu’en 2010, les banquiers
avaient la faculté d’imposer à leurs clients le contrat d’assurance de
leur choix. Une méthode qui leur permettait de surfacturer allègrement
une prestation qui ne pesait pas lourd dans l’addition finale du
remboursement de prêt, mais qui rapportait gros.
Cette
dérogation accordée par Pierre Bérégovoy était-elle légale? Le
ministère des finances le soutenait. UFC le contestait. Le Conseil
d’Etat a tranché en donnant raison à UFC. Et en ouvrant la possibilité d’obtenir remboursement des sommes illégalement perçues par les banques entre 1984 et 2007, date de remise en cause du petit arrangement de 1984.
Les
observateurs noteront qu’il y a quand même une petite étrangeté dans ce
dossier, qui pourrait se révéler être le scandale dans le scandale. La
requête d’UFC semble avoir été enregistrée le 7 novembre 2011. Le Conseil d’Etat l’a examinée moins de huit mois après son introduction, ce qui est un délai record en matière de rapidité judiciaire. Et a condamné les banques françaises à une très lourde peine au beau milieu d’une tempête financière qui les met déjà lourdement à l’épreuve. Curieux...
Cet empressement inhabituel serait-il dû aux poursuites judiciaires qui sont engagées notamment contre Xavier Musca à la suite de manoeuvres douteuses en 2007, entre la direction du Trésor et le Conseil d’Etat sur le dossier des... assurances emprunteurs ?
En effet, une première requête examinée en 2007, et racontée dans La Collusion Infernale
de Jacques de Baudus (éd. Jacob-Duvernet), a permis au Conseil d’Etat
de protéger les banques, probablement en violant le secret du délibéré. Le
Conseil aurait en effet secrètement enjoint à la direction du Trésor,
assumée à l’époque par Xavier Musca, de changer en urgence la
réglementation de 1984 pour éviter de prendre, dès 2007, la décision finalement prise lundi. En somme, le Conseil d’Etat aurait donné 5 ans de répit aux banques avant de devoir rembourser.
Cette
possible manipulation de 2007 vaut quand même une enquête préliminaire
du parquet de Paris contre Xavier Musca, accusé de corruption, et contre
divers fonctionnaires de Bercy. Si l’on ajoute que l’un des principaux
pourvoyeurs d’assurance emprunteur est... le Crédit Agricole, on mesure
la fragilité du reclassement professionnel de l’ex-secrétaire général de
l’Elysée.
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