jeudi 8 mars 2012
Bon appétit !
Il serait trop facile d’écarter d’une chiquenaude les polémiques liées à la viande halal. Elles sont effectivement dérisoires par rapport aux enjeux du chômage, de la pauvreté ou de l’illettrisme. Il faut pourtant y prêter attention car les réactions en chaîne qu’elles ont suscitées en disent long sur les frontières internes de la société française.
Le Front national a lancé le bouchon, le ministre de l’Intérieur s’en est saisi, Nicolas Sarkozy s’est transporté chez les bouchers de Rungis et le Premier ministre a cru bon d’évoquer les « traditions ancestrales ». Ceux qui adorent stigmatiser les musulmans en ont crié d’aise. Puis, patatras, les délégués juifs se sont indignés, ce qui a jeté un froid ; chacun a alors pris conscience qu’on promenait un sacré brûlot.
Le piège de ce débat vicié était pourtant évident : autour du halal, du casher et de l’abattage avec ou sans étourdissement se dessinerait une hiérarchie odieuse dans laquelle les Français musulmans ou juifs seraient réputés moins républicains que les autres. On comprend que, FN mis à part, les apprentis sorciers s’emploient maintenant à éteindre le feu.
Les interdits alimentaires sont vieux comme le monde, chaque religion a les siens. On a le droit de s’en moquer au nom du rationalisme. Mais impossible de les ignorer tant l’alimentation est un sujet sensible.
En la matière, personne n’a de leçon à donner, excepté sans doute les végétariens qui se font un devoir d’écarter la viande par refus de se nourrir d’un animal tué à cette fin. Personne n’a non plus à imposer ses codes alimentaires. Ou à les croire supérieurs. Ou à les instrumentaliser à des fins électorales.
Le marché halal est une réalité sociologique et économique, au même titre que le bio ; il doit être contrôlé comme les autres. Mais il serait stupide d’en faire le grand problème du moment. Dans les cantines scolaires et autres lieux de restauration collective, cela peut être géré par des menus alternatifs. Mieux vaut manger ensemble des cuisines différentes que de picorer dans son coin en haïssant celui qui n’a pas pris la même chose que vous. La cuisine est une affaire sérieuse mais il est sage de ne pas en faire tout un plat.
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