Vous avez vanté dans vos chroniques les mérites d’une sortie de la zone euro de la Grèce, puis plus récemment de l’Italie. Pouvez-vous expliquer votre raisonnement ?
Je ne pense pas avoir vanté les mérites de la sortie de l'euro de l'Italie et de la Grèce. J'ai simplement dit que ces deux pays ne pouvaient pas s'en sortir avec un taux de change "allemand", que le problème n'était pas la dette mais l'absence de croissance dans ces pays créés de toutes pièces et inutilement par ces taux de change fixes et surévalués, ce qui amenait à une augmentation des déficits budgétaires et de la dette en bout de course. La dette est le résultat, non la cause.
L'Euro a bloqué -volontairement- les mécanismes d'ajustement entre pays européens que constituaient les taux de change.
De ce fait ni l'Italie, ni la Grèce, ni la France, d’ailleurs, ne sont compétitifs vis-à-vis de l'Allemagne. Pour faire simple, nous avons remplacé la probabilité d'une dévaluation italienne tous les trois ou quatre ans par la certitude d'une faillite de l'Italie. Pas un vrai progrès à mon avis.
Ne risque-t-on pas d’ajouter une crise à la crise ?
Le chômage en Europe est à un plus-haut historique hors Allemagne, la moitié des pays européens sont en faillite, le système bancaire de l'euro est en train de s’effondrer partout y compris et surtout en Allemagne.
Nous sommes en France en 1934 pendant la déflation Laval-Rueff créée par un attachement fanatique de Rueff (comprendre Trichet) à l'étalon or (comprendre l’euro). La Suède et l'Angleterre ayant abandonné cette imbécillité qu'était l’étalon or se comportèrent beaucoup mieux. Je ne suis pas devin et je ne sais pas si nous allons ajouter une crise à la crise. Ce que je sais c'est que la politique actuelle nous amène certainement à la faillite de même que la ligne Maginot nous garantissait d'être défaits en cas de conflit avec l'Allemagne. Les stratégies défensives échouent toujours et partout. Comme disait de Gaulle : à quoi sert une place forte « imprenable » ? A être prise.
Quel impact aurait une telle décision sur la santé des économies restant dans la zone euro ?
Si un pays sort, tout le monde sort. Ce sera comme de crier au feu dans un cinéma qui n’a pas de sorties de secours. Si vous divisez une économie entre "rentiers" qui ne prennent aucun risque (fonctionnaires, retraités, détenteurs d’obligations) dont tous les revenus sont perçus en monnaie nationale et les entrepreneurs qui sont soumis à la concurrence internationale et donc dont tout ou partie des revenus sont perçus en monnaie internationale (le dollar), un retour aux changes nationaux favoriserait :
- le rentier allemand et défavoriserait l’entrepreneur allemand, ce dont tout le monde en Europe a besoin, y compris l’Allemagne
- l’entrepreneur du sud et défavoriserait le consommateur rentier local. La balance commerciale des pays du Sud retournerait très vite à l’équilibre et la croissance reviendrait dans ces pays, ce qui leur permettrait de servir sans problème les intérêts sur leurs dettes et d’acheter de nouveau des produits à l’Allemagne
Je ne connais pas d’exemple historique où sortir d’une solution technocratique pour aller vers une solution de liberté pour les marchés n’ait pas amené à une amélioration très rapide de la situation. La fin de l’euro ne serait pas une mauvaise nouvelle, ce serait une bonne nouvelle, un peu comme la chute du mur de Berlin.
Le prix ne serait-il pas trop élevé pour les sortants. Dévaluation, renchérissement des prix des importations (dont pétrole), difficulté de financement des banques, de l’Etat, chômage en forte hausse, etc. ?
Honnêtement, le prix à payer pour arrêter cette monstrueuse erreur que nous devons aux Trichet, Delors, Prodi, etc., qui cherchaient tous à recréer l’Empire romain où les libertés individuelles fleurissaient très peu au travers d’un Etat européen supra- national, technocratique et non démocratique, dont leur classe aurait été les maîtres et nous les sujets, me paraît très faible par rapport aux coûts que nous aurons à payer si cette classe, qui elle ne souffre pas, continue à nous entraîner dans ce désastre, tant elle est incapable de reconnaître ses erreurs. Mais comme dans les pays arabes, nous allons assister au grand réveil des peuples et c’est dans ce réveil que réside mon espoir.
Pouvez-vous détaillez le plus précisément possible les enchaînements macroéconomiques que vous imaginez ?
Alors là, honnêtement, aucune idée. Ce n’est pas moi qui ai monté un système qui ne peut pas marcher et dont on ne peut pas sortir. Ce que je sais par contre c’est ce qu’il y aura après quand la poussière sera retombée. La consommation en Europe du Sud a été égale à la consommation gagnée à laquelle il fallait ajouter la consommation « empruntée ». La consommation en Europe du Sud (qui ne pourra plus emprunter) va donc tomber au niveau de la consommation gagnée moins le remboursement des dettes. Parallèlement, les recettes fiscales (TVA) liées à la consommation en Europe du Sud vont s’écrouler et les déficits primaires vont y exploser, malgré, ou à cause devrais-je dire, des augmentations d’impôts, ce qui veut dire que les systèmes étatiques clientélistes vont devoir se reformer dans la douleur et dans l’urgence comme c’est déjà le cas en Grèce, en Espagne, en Italie et bientôt en France. Je répète donc ce que je dis depuis le début de la crise grecque : rien dans les valeurs de consommation en Europe, aucune valeur qui ait un Etat, en particulier du Sud, comme gros client ou comme régulateur. Aucune obligation d’aucun pays du Sud. Se concentrer sur les valeurs exportatrices qui ne vendent rien aux Etats ni à la consommation en Europe.
vendredi 30 décembre 2011
Charles Gave, économiste ; L’abandon de l’euro n’est pas souhaitable.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire