mercredi 16 novembre 2011
Punition collective
Si un candidat à la présidentielle faisait campagne sur le thème «Luttons contre les fraudeurs parce que la fraude, c’est pas bien», il y a fort à parier qu’il réunirait sans difficulté une majorité écrasante. On pourrait aussi imaginer «halte aux resquilleurs parce que resquiller dans les files d’attente, c’est pas beau», qui remporterait aussi un spectaculaire succès d’estime. Ou encore : «finissons-en avec l’ivresse au volant, fléau national». Le catalogue des évidences incantatoires est, on le sait, fort riche. Il suffit de se servir à la demande. Ensuite, le style fait toute la différence. Hier, le président de la République a donc enfoncé une porte ouverte avec une énergie théâtrale dans le registre «Citoyens, la France est en danger» sans prendre beaucoup de risques : le sujet, aussi moral que politique, est assurément consensuel.
La fraude sociale n’est pas marginale, en effet même si les évaluations des membres du gouvernement oscillent du simple à l’octuple : de 5 milliards d’euros par an pour les plus raisonnables à carrément 40 - pourquoi jouer petit bras ? - pour le secrétaire d’État au logement Benoist Apparu. Le manque de citoyenneté se double en effet d’un manque à gagner et c’est l’ensemble des assurés, et notamment les plus modestes, qui en subissent les conséquences. Mais pourquoi exhumer ce vieux travers maintenant comme si le phénomène était nouveau et nécessitait une réaction immédiate ? La ficelle est grosse, très, très grosse même. Il s’agit évidemment de rassurer un électorat populaire exaspéré par les revenus presque équivalents aux leurs parfois, des bénéficiaires de prestations sociales. De l’envie à la rancœur il n’y a qu’un pas et de la rancœur au soupçon, un autre. Même si le chef de l’État a prétendu ne stigmatiser personne - c’était une précision obligatoire - ce sont bien l’ensemble des personnes considérées comme «assistées» qui sont dans le collimateur. L’indignation surjouée du président permet de caresser dans le sens du poil les électeurs d’une droite plus radicale que l’UMP et de faire passer par la même occasion l’augmentation du nombre de jours de carence pour les arrêts maladie. Coup double.
Soyons clairs : les fraudes doivent être traquées sans faiblesse. L’État doit faire son travail, c’est tout ! Le risque, maintenant c’est de surréagir en mettant tout le monde dans le même sac avec des contraintes collectives qui pénalisent au passage les salariés les plus honnêtes. Le principe de la punition collective, quoi. Aussi insupportable quand on est grand que quand on était petit.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire