(*) Président de la fondation Carlo Alberto, Turin.
lundi 1 août 2011
La politique à son paroxysme
Comme on le sait, la dette américaine colossale est plafonnée par une loi du Congrès, c'est-à-dire des deux Chambres législatives qui doivent s'accorder pour autoriser le Président à l'augmenter. Or l'économie américaine, tant publique que privée, est droguée à l'endettement depuis la Première Guerre mondiale. Les choses ont commencé à se gâter sérieusement lorsque l'idéologie républicaine de la présidence Bush a aggravé le problème : baisse des impôts, en particulier pour les plus riches, accompagnée d'une folle croissance des dépenses militaires. La crise financière et bancaire de 2008-2009 a encore accru la nécessité d'injecter massivement des capitaux pour sauver cequi pouvait l'être, au prix d'un endettement supplémentaire massif. Le plafond autorisé est atteint et il faut donc le relever. C'est là qu'interviennent quelques facteurs propres au fonctionnement de la démocratie américaine.
En premier lieu, la Constitution organise structurellement la faiblesse du pouvoir, par toute une série de limites qui témoignent de la suspicion constante des Américains son égard. Le Président n'est fort qu'en matière de politique étrangère ou dans le domaine de la défense. Mais pour le reste, il passe son temps à négocier et pas seulement avec les leaders des partis.
Car, et c'est là une autre caractéristique des USA, les partis n'existent pas en tant qu'organisations disciplinées et soumises à leur leader, même dans les situations graves. Chaque vote doit être négocié pied à pied. Rien de nouveau sous le soleil dans une tradition vieille de deux siècles. Mais un facteur aggravant est apparu, notamment après les mid-term élections de 2010 : l'émergence plus marquée du populisme ¯ ce phénomène est une autre constante américaine ¯ au sein de la droite qui s'est radicalisée sous l'effet de la crise et de l'influence croissante des très conservatrices églises évangéliques. Le parti républicain, profondément divisé entre son aile modérée (si l'on peut dire...) et ses challengers internes radicaux du Tea Party, a la plus grande difficulté à faire des compromis.
Un facteur supplémentaire de blocage est d'ordre conjoncturel : la campagne présidentielle va s'ouvrir à la fin de l'année. Les républicains veulent mettre Obama en difficulté en conditionnant leur acceptation d'un relèvement modeste du plafond de la dette à son échelonnement en deux phases, l'une immédiate, l'autre au printemps prochain... en pleine campagne électorale. Obama serait alors grillé à petit feu. Cette solution est inacceptable pour Obama et aurait l'inconvénient de faire perdurer la nervosité des marchés
Cette situation de blocage, extrêmement périlleuse, non seulement pour les États-Unis mais pour la planète tout entière, illustre parfaitement l'observation d'un homme politique américain selon lequel « All politics is local » (la politique n'est que locale). Le monde entier est, aujourd'hui, suspendu aux décisions d'élus dont l'horizon politique et idéologique ne dépasse pas les bornes de leur circonscription. Ou pour reprendre le titre du film de Kubrick, c'est risquer d' aller dans le mur « Eyes wide shut », les yeux grand fermés...
(*) Président de la fondation Carlo Alberto, Turin.
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