Il y a cent ans, le soleil ne se couchait jamais sur l’Empire britannique, avant que les orages du XXe siècle ne ramènent la première puissance mondiale à un rang très ordinaire. Hier, pour un jour, la Grande-Bretagne a rayonné de nouveau sur l’ensemble de la planète par la grâce d’un mariage princier qui a tenu toutes ses promesses. Et au-delà.
Même le monde du Web 2.0, très ironique à la veille de la célébration, n’a pas été insensible, finalement, à l’émotion irrationnelle dégagée par l’événement. Il faut bien le reconnaître : la magie a opéré. L’assemblage réussi de l’apparat d’une autre époque et de la fraîcheur du couple star a su créer un de ces instants de communion dont les Britanniques, mieux que n’importe quel autre peuple, ont le secret.
Les acteurs du spectacle hollywoodien qui a transcendé Londres sont parvenus à donner une touche d’humanité et de rêve à ce qui aurait pu n’être qu’une mascarade costumée. La monarchie britannique en sort revigorée.
Elle qui était apparue à bout de souffle lors des funérailles de Lady Di, en 1997, littéralement épuisée par les frasques des enfants Windsor, le vieillissement de la souveraine, et l’inconséquence d’une famille royale déconnectée de la réalité, a peut-être reconquis sa légitimité évanouie.
La voilà redevenue très nettement majoritaire dans le cœur des sujets de sa majesté. Même un quotidien républicain « par principe » comme le Guardian admet volontiers son utilité et le rôle irremplaçable qu’elle joue dans l’unité aux ressorts complexes de cet État des quatre nations (Anglais, Gallois, Écossais et Irlandais du Nord).
Le symbole de continuité, sécurisant, qu’elle représente — 1 000 ans d’histoire, tout de même — ne peut se passer d’un supplément d’âme qui s’éteignait doucement. C’est précisément lui que William et Kate ont su ressusciter dans une cérémonie ultra-codifiée dont ils ont dépassé, avec autant de simplicité que possible, le protocole de fer et l’inévitable côté compassé.
Malgré le carrosse, les landaus, les Bentley, les toilettes plus ou moins réussies des invitées, les chapeaux extravagants et la présence de Victoria Beckham à Westminster Abbey, ce rendez-vous irréel a évité le pathétique du bling-bling. Ce n’était pas gagné d’avance…
Hormis les dépenses de sécurité, la parenthèse enluminée de ce vendredi qui a offert aux Britanniques une dernière évasion hors du temps avant d’affronter l’austérité programmée par le gouvernement Cameron, n’a presque pas coûté une livre au contribuable. Pas cher, donc, au regard du bénéfice net considérable qu’il rapporte à l’image de la Grande-Bretagne, à ses produits et à son tourisme. God save William and Kate ! L’avenir du mariage-consécration, dans l’air du temps, entre ces deux amants de dix ans — conditionne désormais celui d’une très vieille monarchie. Sauront-ils être ses héros modernes ?
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