TOUT EST DIT

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vendredi 6 août 2010

L'outil diplomatique n'est pas un luxe

« Le Quai d'Orsay est, aujourd'hui, un ministère sinistré, les diplomates sont dans le désarroi le plus total car ils ne se sentent pas défendus. » C'est en ces termes que s'exprimait récemment, dans Le Monde, l'écrivain Jean-Christophe Rufin, en quittant son poste d'ambassadeur à Dakar. L'outil diplomatique français est, en effet, en crise. Les raisons sont multiples.

Bien que ce ministère représente au mieux 1,2 à 1,3 % du budget de l'État, il a été amputé de 21 % de ses moyens depuis 2000. La crise de la diplomatie française est aussi liée au système de la Ve République, dans lequel l'Élysée court-circuite le Quai d'Orsay sur les affaires importantes. Notre politique africaine en est le meilleur exemple. C'est autour du secrétaire général de l'Élysée, Claude Guéant, et non du ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, que se prennent, aujourd'hui, les grandes décisions relatives à l'Afrique, et bien d'autres.

Cette situation est dommageable car une politique étrangère digne de la France a besoin d'un outil performant. Il faut, bien sûr, le rationaliser sans cesse. La France possède 160 postes diplomatiques et c'est trop. Si le personnel diplomatique français est, dans l'ensemble, de qualité, certains ambassadeurs continuent à gérer leurs équipes sur un mode autoritaire qui paraît d'un autre âge.

Il faut surtout que l'outil soit adapté aux fonctions d'une diplomatie moderne. La politique étrangère de la France se limite, en effet, de moins en moins aux seules affaires politiques. Être influent, c'est de plus en plus construire une présence autour des questions économiques et culturelles. La France doit ainsi savoir exporter ses productions cinématographiques, veiller à la traduction de ses écrivains, accompagner les échanges universitaires et scientifiques. Elle doit pour cela disposer d'ambassadeurs ouverts à la création, d'instituts français qui aient des budgets et des formes de communication adaptées, notamment Internet.

La crise de l'outil diplomatique arrive au moment où l'Union européenne a décidé la création, à Bruxelles, d'un service européen pour l'action extérieure. Ce service devra aider la nouvelle haute représentante, Catherine Ashton, à asseoir une politique extérieure européenne. Il reposera sur 8 000 fonctionnaires en poste à Bruxelles, mais aussi au sein de délégations de l'Union européenne dans les pays tiers.

Cette innovation est l'occasion de rationaliser leurs réseaux. Il n'est pas certain que la France ait besoin d'entretenir une ambassade à Trinitad-et-Tobago, au Surinam ou à Sainte-Lucie, si une délégation européenne peut y représenter ses intérêts. Dans la mesure où les visas délivrés à l'étranger concernent de plus en plus l'Europe, il serait logique aussi que les délégations de l'Union européenne puissent en assurer la délivrance dans certains pays.

Adapter l'outil diplomatique français est une nécessité. Le laisser mourir serait une erreur grave, car elle reviendrait à se priver d'une expertise dont la France continue d'avoir besoin pour son rayonnement.

(*) Directeur du Centre d'études et de recherches internationales (Ceri) à Sciences Po Paris.

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