Plus le temps passe, et plus l'hypothèse de voir l'Iran se doter de la bombe nucléaire se renforce. Les experts, nourris de renseignements plus ou moins fiables, revoient régulièrement leurs prévisions. Leur souci est de déterminer combien de temps reste aux grandes puissances pour empêcher le régime de Téhéran de franchir ce seuil lourd d'inconnues. Six mois, voire un an, disent les pessimistes. Un peu plus, espèrent les diplomates. Le temps est, dans cette affaire, une denrée aussi précieuse que l'uranium enrichi. Les Iraniens sont les premiers à le savoir.
Depuis bientôt huit ans, depuis que le risque d'un Iran nucléaire s'est matérialisé, ils n'ont cessé de multiplier les manoeuvres dilatoires. Ils savent que les Américains, surtout avec Obama, ne s'aventureront pas dans une nouvelle guerre. Ils estiment que même les Israéliens, tentés de pratiquer des frappes ciblées comme ils l'ont déjà fait en Syrie, n'oseront pas. Ils considèrent enfin que les sanctions imposées jusqu'ici par la communauté internationale n'ont aucun impact décisif sur leurs visées stratégiques.
Comment, dès lors, contraindre ou convaincre le régime iranien à renoncer à sa bombe ? C'est la question à cent mille dollars qui sillonne toutes les chancelleries. À Paris, on estime que le lent travail de sape économique, entrepris grâce aux sanctions, met le régime iranien aux abois. Les importations européennes en provenance de Téhéran ont chuté de 45 % depuis 2008. Les Gardiens de la révolution vont devoir rendre des comptes à une population plus mobilisée qu'il n'y paraît de l'extérieur. L'anniversaire des élections de l'an dernier, le 12 juin, fera figure de test à cet égard.
Toutefois, cette semaine, un nouveau chapitre vient d'être écrit avec l'accord signé par l'Iran, le Brésil et la Turquie. Un chapitre qui en dit sans doute davantage sur la nouvelle diplomatie des pays émergents, sur les humeurs brésiliennes et turques, que sur l'Iran, toujours soucieux de jouer la montre.
L'accord ne concerne en effet absolument pas le coeur du problème, le volet militaire. Il reprend, avec de nombreuses lacunes, une offre déjà faite par Paris, Washington et Moscou en octobre. Les Iraniens avaient alors refusé. Cette fois, ils ont dit oui. Offrant à deux puissances émergentes un rôle de premier plan sur un dossier brûlant de l'agenda diplomatique.
Depuis quelques années, Brasilia et Ankara ne cachent pas leurs ambitions de puissance régionale, favorisées par la fin de l'unilatéralisme américain. Sur tous les dossiers chauds, et ils sont nombreux dans son voisinage, du Caucase au Proche Orient, la Turquie fait de plus en plus cavalier seul, tout en récusant toute volonté de restaurer l'aura ottomane. À la mesure de son continent et de ses ressources, le charismatique président brésilien fait de même. Les émergents frappent désormais ouvertement à la porte du club le plus exclusif de la diplomatie mondiale, le Conseil de Sécurité.
L'initiative n'a guère plu à Washington où on juge désinvolte le plan turco-brésilien. Dès mardi soir, Hillary Clinton a annoncé qu'un accord était intervenu entre les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité, sur de nouvelles sanctions contre l'Iran. Il faudra le vérifier lors du débat, puis du vote dans les prochaines semaines. En attendant, ledossier nucléaire iranien n'est plus seulement un casse-tête. C'est aussi un plat diplomatique de choix, pour tous les appétits.
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