Le plan de sauvetage de l'euro à peine bouclé, les Vingt-Sept ont ouvert le chantier de la gouvernance économique. La Commission européenne a présenté, mercredi 12 mai, une série de propositions destinées à renforcer la coordination économique et budgétaire, en particulier au sein de la zone euro.
Une des pistes avancées par Bruxelles promet de belles empoignades entre les Etats membres : l'évaluation au niveau européen des grandes lignes du budget de chaque pays avant leur examen par les Parlements nationaux. Certains pays, comme la Suède, l'ont déjà rejetée.
"On ne peut pas avoir une union monétaire sans avoir une union économique, a plaidé José Manuel Barroso, le président de la Commission. Si les Etats ne veulent pas d'une union économique, ils doivent oublier l'union monétaire."
Or les capitales se méfient de tout abandon de souveraineté dans ce domaine. La chancelière allemande, Angela Merkel, a parlé d'un "pas important dans la bonne direction", même si "cela ne signifie pas automatiquement que les droits du Parlement sont remis en cause d'une quelconque manière".
Avec Olli Rehn, le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, M. Barroso se garde de parler du "gouvernement économique" cher à Nicolas Sarkozy. Contre l'avis de Mme Merkel, il ne plaide pas non plus pour une nouvelle réforme des traités, mais veut utiliser les différents outils existants à ce jour pour agir dans trois directions : renforcer (sans réformer) le pacte de stabilité et de croissance; traiter les écarts de compétitivité ; mettre en place un dispositif permanent de gestion des crises.
SURVEILLER DAVANTAGE L'ENDETTEMENT
En évaluant le plus en amont possible les budgets nationaux, la Commission européenne entend muscler la "dimension préventive" du pacte de stabilité, dont elle veut rendre l'application plus rigoureuse sans en modifier les règles fondamentales ni les critères. Elle suggère d'inciter financièrement les pays à faire des efforts d'économie en période de bonne conjoncture.
M. Rehn insiste aussi pour surveiller davantage le niveau d'endettement des Etats membres, limité à 60 % du produit intérieur brut (PIB) par le pacte, un critère passé dans l'ombre de celui sur le déficit (3 % du PIB). "Les critères du pacte sont ancrés dans le marbre des traités, il sera difficile de les modifier, dit-on à la Commission. Il s'agit de modifier le code de conduite du pacte, pour le piloter de façon plus efficace."
M. Rehn se méfie des appels de Mme Merkel à durcir le volet sanctions en cas de déficit excessif. Tout en accélérant les procédures, il veut pouvoir utiliser les pénalités déjà prévues, comme la suspension de subventions européennes. En revanche, la suspension des droits de vote des Etats les moins vertueux est vue d'un mauvais œil à Bruxelles, car elle nécessiterait une réforme du traité.
UN DISPOSITIF PÉRENNE DE GESTION DES CRISES
La Commission souhaite, par ailleurs, aborder la question des déséquilibres macroéconomiques résultant des écarts de compétitivité entre les pays. M. Rehn propose la création de nouveaux indicateurs à ce sujet. Il compte aussi faire usage des recommandations qu'il va pouvoir, en vertu du nouveau traité de Lisbonne, envoyer aux gouvernements sans avoir besoin de leur approbation.
Enfin, Bruxelles veut aller au-delà des récents plans de sauvetage de la Grèce et de la zone euro pour créer un dispositif pérenne de gestion des crises. Conçu dans l'urgence pour éviter l'embrasement de l'union monétaire, le fonds de stabilisation élaboré et approuvé le 9 mai à Bruxelles pourrait servir de référence.
La création de cet instrument a levé un interdit : désormais, les seize Etats de la zone euro disposent d'un outil pour voler au secours d'un des leurs en difficulté. A la demande de l'Allemagne, le mécanisme a cependant été limité à trois ans, et fonctionnera sur une base intergouvernementale, ce qui n'est pas l'option privilégiée par Bruxelles.
"UNE PISTE PARMI D'AUTRES"
Ces suggestions vont être étudiées de près par le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy. Fin mars, ce dernier a été chargé par les chefs d'Etat et de gouvernement de présider un groupe de travail sur la surveillance budgétaire. A ses yeux, les propositions de la Commission sont "une piste parmi d'autres", selon un de ses proches.
M. Van Rompuy a, d'après son entourage, la ferme intention d'élargir le champ de la surveillance macroéconomique. Pour lui, il faut aller au-delà du pacte de stabilité et de croissance pour se pencher en particulier sur les problèmes de compétitivité. "La difficulté va être de concilier les points de vue, en particulier entre Allemands et Français", dit un proche du président du Conseil européen.
Comme les Etats veulent garder la haute main sur les discussions, il a été convenu que ce sont les ministres des finances qui siégeront dans le groupe de travail placé sous l'autorité de M. Van Rompuy. Leur première réunion est prévue le 21 mai ; le groupe doit rendre ses conclusions d'ici à octobre.
Philippe Ricard
jeudi 13 mai 2010
Bruxelles veut un droit de regard sur le budget des Etats
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