Commentaire Challenges.fr L'Elysée se prépare à une nuit des longs couteaux. Pour Martine Aubry, les lendemains de victoire ne seront pas forcément roses.
A deux exceptions près (municipales de 1983 et législatives de 2007) les deuxièmes tours amplifient toujours les résultats de premier tour. Les enquêtes d'opinion et les projections réalisées par les instituts de sondages cette semaine confirment cette règle. Dimanche s'annonce donc comme une journée noire pour l'UMP. Pas seulement en nombre de régions gagnées, perdues ou conservées, mais en écart de voix entre la droite et la gauche. "Nombre de régions vont être gagnées de manière écrasante par la gauche, avec des scores proches de 60%", prédit Gaël Sliman de BVA. Là où se déroulent des triangulaires (Bourgogne, Pas-de-Calais, Lorraine, Haute-Normandie...), l'UMP va se retrouver 20 points derrière la gauche. "Jamais la droite parlementaire n'a été aussi faible", constate Frédéric Dabi de l'IFOP.
A l'Elysée, conscient du risque de séisme, on rode deux discours, avec les fameux "éléments de langage" imposés aux intervenants dans les médias. Si la droite sauve l'Alsace, et gagne la Guyane, les barons de l'UMP auront ordre de marteler que Martine Aubry n'a pas réalisé son grand chelem. Que le nombre de conseillers régionaux UMP a progressé (ce qui sera le cas, du simple fait qu'il y a eu moins de triangulaires qu'en 2004 et donc moins d'élus FN). Bref, les barrons de l'UMP auront ordre de relativiser le mauvais score. En revanche, si la droite perd l'Alsace, si le PS réalise le grand chelem en métropole, là, l'Elysée est conscient qu'il ne servira à rien de livrer des "éléments de langage".
Les intervenants seront contraints et forcés de reconnaître la défaite de l'UMP. Pire, l'Elysée s'attend à ce que chacun lave son linge sale devant les micros et crache son venin en fonction de ses intérêts personnels. Ce sera l'heure de gloire pour les Villepin, Dupont-Aignan, Copé et autres rivaux de Nicolas Sarkozy.
A gauche, Martine Aubry est sereine, même sans le grand chelem, son camp aura réalisé un score historique. Dans une ambiance unitaire, malgré les péripéties Frêche. Prudente, elle se refuse à afficher le moindre triomphalisme. Elle sait que si une étape a été franchie -la remise en marche de la machine PS- l'essentiel reste à faire: construire un projet. Les conventions programmatiques vont débuter fin mai et sur de nombreux sujets, il existe de sérieuses divergences au sein du parti. "Nous avons réussi à rebâtir un socle de réflexion, rétorque la première secrétaire. Nous avons des débats de fonds sérieux. Je suis très confiante dans la possibilité de bâtir un programme qui permette à la gauche de gagner quelque soit le candidat." Reste que les élections régionales ont toujours été une période de calme au PS. Nombre de postes y sont en jeu. Après cette trêve, nombre de candidats à la primaire vont tenter d'empêcher l'irrésistible ascension de Martine Aubry.
par Ghislaine Ottenheimer, rédactrice en chef à Challenges
dimanche 21 mars 2010
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