Le président turc Abdullah Gül voulait une inauguration en grande pompe pour la Saison de la Turquie en France. Elle aura lieu en petit comité au Grand Palais, Nicolas Sarkozy ne voulant pas s'afficher ostensiblement avec le président d'un pays dont il s'oppose à l'adhésion à l'Union européenne (UE).
La visite de l'exposition "De Byzance à Istanbul, un port pour deux continents" au Grand Palais sera expédiée, vendredi 9 octobre à midi, en une demi-heure, avec trois arrêts dans l'exposition. Celle-ci aurait dû être présentée par sa commissaire, la Turque Nazan Ölcer. Mais M. Sarkozy veut entendre parler français. Un compromis devrait permettre d'avoir une présentation conjointe avec l'historien français Pierre Chuvin.
La visibilité politique de la Saison, décidée en 2006 par Jacques Chirac, partisan de l'adhésion turque, et confiée à l'un de ses proches, Stanislas Pierret, est réduite a minima. Elle commence très tard, alors qu'il avait été envisagé de lui donner de l'ampleur en la faisant fusionner avec le vernissage d'expositions à Lille, en mars. M. Sarkozy ne voulait pas d'interférences avec les élections européennes de juin.
Mercredi soir 7 octobre, aucun ministre ne s'était déplacé au dîner offert à Paris par l'Ifri (Institut français des relations internationales) en l'honneur de M. Gül, qui rencontrait jeudi le premier ministre, François Fillon, et le président du Sénat, Gérard Larcher, ainsi que des responsables de l'économie. Il n'y aura pas non plus de point presse à l'issue du déjeuner de travail de vendredi à l'Elysée entre les présidents des deux pays.
Les deux hommes ont décidé de ne pas parler des affaires qui fâchent. On s'entretiendra de tout, sauf de l'essentiel, l'adhésion européenne. On parlera donc géopolitique, M. Gül voulant montrer que son pays a la même stratégie que l'Europe et la France au Proche-Orient et dans le Caucase. Il a noué des liens historiques avec Israël et l'avènement d'un gouvernement islamiste modéré, en 2002, a facilité le dialogue avec les pays arabo-musulmans.
La Turquie dispose d'une relation privilégiée avec la Syrie et sert de médiateur avec le Hamas palestinien. Ankara va reprendre la direction des forces armées de l'Isaf en Afghanistan le 1ernovembre, dans la foulée de la France. Elle dialogue avec l'Iran.
Bref, selon M. Gül, son pays dispose comme l'Europe d'un "soft power" consistant à œuvrer pour la paix et la stabilité dans la région et à diffuser les valeurs de démocratie, de laïcité et d'économie de marché.
Même sur le brûlant sujet arménien, les choses bougent et la puissante diaspora de France n'avait pas prévu de manifester contre M. Gül. Ce dernier a assisté, cet été à Erevan, à un match de football entre l'Arménie et la Turquie. Samedi, les deux pays comptent signer en Suisse un protocole pour normaliser leurs relations. Le sujet reste délicat : l'exposition au Grand Palais ne met pas autant en valeur les apports arméniens et juifs que l'aurait souhaité la partie française.
PERCÉE SUR L'ARMÉNIE
Globalement, la Turquie a proposé la création d'un forum de stabilité pour résoudre les conflits gelés au Caucase. Cela après avoir fait preuve de prudence pendant le conflit russo-géorgien d'août2008, où M.Sarkozy a joué les médiateurs. Elle n'avait pas permis aux navires de guerre américains de franchir le Bosphore pour croiser en mer Noire.
Enfin, avec l'UE, M. Gül espère ouvrir rapidement de nouveaux chapitres de négociations. La présidence suédoise pense à l'environnement. Ce processus risque de se tarir : cinq chapitres sur trente-cinq sont bloqués par Paris, car ils préjugent d'une adhésion complète (institutions, euro, etc.). Huit autres le sont parce qu'Ankara a refusé d'étendre son union douanière à Chypre lorsqu'elle est entrée dans l'UE en 2004, estimant que ce serait reconnaître ce pays.
La Commission doit remettre un rapport sur le sujet avant décembre. Peu importe l'évolution formelle des négociations, M.Gül estime que les Turcs doivent se hisser d'eux-mêmes au niveau européen, car c'est leur intérêt.
Même stratégie géopolitique, mêmes valeurs, avec une économie dynamique forte de 80 illions d'habitants : M. Gül espère que M.Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel finiront par ouvrir les yeux et changeront d'avis sur son pays.
En avril, Paris avait été choqué par l'opposition turque à la nomination du premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen au secrétariat général de l'OTAN. Le premier ministre Recep Tayyip Erdogan lui reprochait d'abriter des télévisions kurdes et d'avoir laissé publier des caricatures du Prophète.
Arnaud Leparmentier
jeudi 8 octobre 2009
Service minimum à l'Elysée pour le président turc
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