La journée avait bien commencé. En visite à Moscou, jeudi 1er octobre, le ministre des affaires étrangères français, Bernard Kouchner, avait eu des entretiens cordiaux avec son homologue russe, Sergueï Lavrov, puis avec le président, Dmitri Medvedev. Le huitième conseil franco-russe de sécurité confirmait l'entente actuelle, symbolisé par le dossier du nucléaire iranien.
Mais avant de quitter la Russie, le ministre s'est rendu dans les locaux de l'organisation Memorial et à Novaïa Gazeta, l'hebdomadaire où travaillait Anna Politkovskaïa avant d'être assassinée. Au-desssus de sa tête, le ciel se gâta à grande vitesse.
A Memorial, la plus célèbre des ONG russes, le ministre a écouté, sourcils froncés, le récit de Svetlana Gannouchkina. Cette militante de longue date a demandé à Paris d'accorder des visas aux Tchétchènes en grande détresse. Elle a exprimé un pessimisme glaçant. Selon elle, le premier responsable en est le président tchétchène, Ramzan Kadyrov, soutenu par Moscou. "C'est un garçon cruel et terrifiant (...) C'est très facile de faire sortir un mauvais génie de la bouteille, mais beaucoup plus dur de l'y remettre", dit la militante. Memorial a mis en cause M. Kadyrov dans l'assassinat de sa représentante à Grozny, Natalia Estemirova.
Alexandre Tcherkassov, spécialiste du Caucase, a rappelé un chiffre édifiant. "Plus de 3 000 personnes ont disparu. Nous savons bien qu'elles ont été exécutées et que les criminels restent impunis." Avant de partir, M. Kouchner a signé le livre d'or. "Chers amis de Memorial, vous êtes indispensables au monde. Vous êtes notre espoir et notre petit courage. Merci."
"C'est pas gai tout ça"
A Novaïa Gazeta, M. Kouchner a été accueilli par le rédacteur en chef, Dmitri Mouratov. Le journaliste a dressé un constat alarmant de la situation dans le Caucase. "Si le but des assassinats de Politkovskaïa et d'Estemirova était de stopper les informations en provenance du Caucase, il est atteint. Il n'est plus possible de travailler là-bas." Pour lui, les méthodes brutales de M. Kadyrov ont "commencé à faire tache d'huile sur l'ensemble de la Russie". Un phénomène que Memorial appelle "la tchétchénisation de la Russie".
M. Mouratov voit cependant une différence entre les deux visages de l'exécutif russe. "Si Kadyrov est le projet de Vladimir Poutine, il n'est pas celui de Dmitri Medvedev." Bernard Kouchner aussi veut croire à cette différence. Que faire, sinon s'indigner ? "C'est pas gai tout ça", a-t-il laissé tomber à plusieurs reprises, devant ses interlocuteurs.
Piotr Smolar (Moscou, envoyé spécial)
samedi 3 octobre 2009
A Moscou, M. Kouchner face au pessimisme de l'ONG Memorial
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1 commentaires:
La liberté de presse constamment menacée dans le monde…
http://video.moncinema.ch/video/iLyROoafM5Tx.html
Hommage à Anna Politkovskaïa :
Colombe
Dans un désert avare
D’humanité
Le regard
D’une colombe s’est posé
Où les loups, têtes basses,
Ne se lassent
De hurler,
Dans un désert empoisonné
Avare de vérité
Une colombe, ce matin, est tombée.
Anick Roschi septembre 09
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