La donne diplomatique pourrait-elle avoir brusquement changé avec la révélation subite d’un nouveau site nucléaire iranien, tenu secret depuis des années ? Alors qu’ils étaient réunis à Pittsburgh pour le G20, les présidents américain et français, Barack Obama et Nicolas Sarkozy, aux côtés du premier ministre britannique Gordon Brown, ont voulu en tout cas souligner, vendredi 25septembre, devant la presse, la gravité des informations dont ils disposent.
Les trois dirigeants ont annoncé avoir demandé à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) une enquête urgente sur un site identifié près de la ville iranienne de Qom. Construite sous une hauteur, cette installation est destinée à l’enrichissement d’uranium, une activité dont les résolutions successives du Conseil de sécurité de l’ONU sur l’Iran, depuis 2006, ont demandé la suspension.
Selon nos informations, la France souhaitait que le site de Qom fasse l’objet d’une prise de parole des dirigeants occidentaux lors du sommet extraordinaire du Conseil de sécurité de l’ONU du 24septembre, présidé par M.Obama et consacré au thème du désarmement nucléaire. Pour Paris, c’était le meilleur moment pour révéler à la face du monde l’ampleur des dissimulations iraniennes en matière de prolifération. Un passage du discours de M.Sarkozy aurait même été initialement préparé pour cela.
L’administration Obama s’est formellement opposée à ce que le grand déballage intervienne à ce moment. Elle voulait à tout prix éviter de "gâcher" l’impression de succès qui se dégageait de l’adoption à l’unanimité d’une résolution sur le principe de la recherche d’un monde sans arme nucléaire. C’est donc le lendemain, vendredi, que l’événement a eu lieu, alors que tout le monde était déjà à Pittsburgh (Pennsylvanie).
Il s’agit d’un tournant. Le facteur aggravant que constitue pour l’Iran l’existence du site de Qom a pour effet d’apporter des arguments supplémentaires aux Occidentaux devant la Russie et la Chine. Deux pays qu’ils tentent depuis des mois de convaincre d’accepter le principe d’un renforcement substantiel des sanctions internationales, au cas où les efforts de dialogue avec l’Iran, relancés par l’administration Obama, s’enliseraient.
UN SITE SURVEILLÉ DEPUIS DES ANNÉES
Le sujet est "inquiétant", a dit M.Obama devant la presse. Il a ajouté, plus tard dans la journée, qu’il n’excluait «aucune option», tout en insistant sur le fait que sa "préférence va à la diplomatie". "Nous sommes prêts à mettre en œuvre des sanctions supplémentaires et plus sévères", a déclaré Gordon Brown. "Si d’ici le mois de décembre, il n’y a pas de changement profond de la politique iranienne, des sanctions devront être prises, il en va de la paix et de la stabilité", a ajouté M.Sarkozy.
Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France semblent s’être livrés à un formidable coup de poker, à quelques jours de la réunion prévue le 1eroctobre à Genève entre les représentants des grandes puissances et un émissaire iranien – la première rencontre de ce type à impliquer l’administration Obama. Attrapé une nouvelle fois en flagrante violation de ses obligations internationales, l’Iran aura plus de mal, calculent les responsables occidentaux, à trouver des appuis diplomatiques extérieurs.
Le site de Qom était surveillé depuis des années par les agences de renseignement américaine, française, britannique et israélienne, selon nos informations. Il est le deuxième site clandestin d’enrichissement d’uranium à être découvert en Iran, après celui de Natanz, révélé en 2002. Depuis des mois, les responsables américains, britanniques et français, débattaient dans le secret de savoir quel serait le meilleur moment pour lever le voile, de préférence de manière fracassante, sur cette installation.
Au final, l’Iran a pris les devants, mais de façon partielle. Le 21septembre, ayant compris que son secret était débusqué, la République islamique a adressé une lettre à l’AIEA à propos des équipements de Qom. Elle se gardait toutefois d’en détailler le contenu. Les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont transmis, jeudi, à l’Agence les briefings qu’ils avaient déjà préparés depuis des mois à cet effet.
Le site de Qom a une particularité: sa taille réduite (il peut accueillir 3000 centrifugeuses tandis que Natanz est prévu pour 50000 de ces appareils) ne permet pas d’y fabriquer du combustible pour centrale nucléaire. Alors qu’il s’agit de la raison constamment invoquée par l’Iran pour expliquer ses activités. Il pourrait en revanche servir à la production d’uranium hautement enrichi, la matière fissile utilisée dans les armes nucléaires.
Lorsque le président russe, Dmitri Medvedev, est sorti, mercredi, à New York, de son entretien bilatéral avec Barack Obama – qui lui aurait parlé à cette occasion du site de Qom, selon des officiels américains – il a déclaré que même si elles lui déplaisaient, parfois des sanctions pouvaient être nécessaires. Vendredi, il a déclaré que l’Iran devait fournir, le 1er octobre, "la preuve" des intentions "pacifiques" de son programme nucléaire. La Chine, quant à elle, apparaît toujours très réservée sur la possibilité de nouvelles sanctions.
Le site de Qom pourrait avoir pour finalité, dans l’esprit des dirigeants iraniens, de servir de solution de remplacement en cas de bombardement israélien de l’usine de Natanz. Des officiels américains indiquent qu’il ne pourra pas produire de l’uranium enrichi avant un an environ. Selon nos informations, sa construction est peu avancée, n’ayant pas dépassé le génie civil.
Natalie Nougayrède
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