Les maisons closes ont eu leur âge d’or. Certaines vont même connaître la célébrité et attirer la haute société du monde entier. Petite introduction bordelière.
samedi 5 octobre 2013
Portes ouvertes sur les maisons closes
e lupanar serait-il une des plus vieilles institutions du monde ? Né en Grèce, quelque six cents ans av. J.-C., le principe de la maison close traverse les âges, les contrées et la réprobation jusqu’à connaître même une sorte d’âge d’or, en France, sous la Troisième République. Dans les années 30, ce pays compte quelque mille cinq cents claques en tous genres, dont cent rien qu’à Paris. Par comparaison, il y a moins d’une dizaine de clandés à Bruxelles à peu près à la même période.
Baignoire princière
C’est aussi l’époque des établissements célèbres, on n’ose même plus parler de bordels, dont le lustre et la popularité cachent souvent mal une réalité sordide. Le Chabanais, par exemple, fondé à Paris en 1876, est réputé autant pour la beauté de ses pensionnaires que pour l’extravagant décor de ses alcôves. Installé dans un immeuble discret, muni de deux ascenseurs (un pour monter, l’autre pour descendre), il attire une clientèle huppée : écrivains célèbres (Pierre Louÿs, Guy de Maupassant), diplomates, ministres, potentats indiens… jusqu’au prince de Galles, futur Édouard VII. Grand habitué des lieux, il y fait installer un curieux fauteuil à étriers métalliques et une baignoire en cuivre abondamment ouvragée qu’il faisait, paraît-il, remplir de champagne. Le 6 mai 1889, jour de l’inauguration de l’Exposition universelle, le Chabanais accueillera également des ministres et ambassadeurs du monde entier. Sur leurs agendas, cette virée était diplomatiquement renseignée comme « visite au président du Sénat ».
122 rue de Provence
Autre lupanar de légende, le One-Two-Two, installé à Paris au 122 rue de Provence, d’où son nom. Ouvert en 1924 par une ancienne prestataire de services du Chabanais et son mari, cette maison de sept étages est fréquentée par le gratin de la haute société d’Europe et même du monde. On vient de loin pour ses filles, triées sur le volet, son bar, son resto (étoilé) et aussi ses chambres à thèmes, vingt-deux en tout, qui font les délices des clients les plus exigeants : cabine de l’Orient-Express avec mouvement de train intégré, chambre igloo, palais des glaces aux miroirs pivotants, chambre de torture décorée de carcans, chaînes et fouets... Comme les autres, le One- Two-Two dut finalement fermer ses portes en 1946, à la suite de la promulgation de la fameuse loi Marthe Richard.
L’affaire des « petites Anglaises »
L’histoire de Belgique ne semble pas avoir retenu de bordels aussi célèbres que ceux de la capitale française. Au XIXe siècle, notre pays est par contre connu pour sa politique réglementariste en matière de prostitution. Dès 1844, Bruxelles se dote d’un système de contrôle des prostituées avec registre de police et visites sanitaires obligatoires. Un règlement salué dans l’Europe entière, qui montrera pourtant vite ses limites. En 1880-1881, la ville va ainsi être au centre d’un scandale international : la célèbre affaire des « petites Anglaises » (*). Une cinquantaine de mineures, britanniques pour la plupart, sont retrouvées dans des lupanars bruxellois, dont deux au moins contre leur gré. L’enquête révèle des collusions entre la police et les milieux interlopes de la capitale. Le scandale aboutit à la révocation d’un commissaire de police et à la démission de Félix Vanderstraeten, bourgmestre de la ville. Ce dernier, révélera l’enquête, avait vendu la brasserie paternelle à un tenancier qui en avait fait ensuite la plus importante maison close de Bruxelles !
Renseignement horizontaux
Les maisons de tolérance vont longtemps bénéficier de celle de la police. En France, leurs gérants sont des indics notoires de la Brigade mondaine, laquelle compile tout ce qui peut s’avérer intéressant sur ce milieu où se croisent pègre et puissants. On va jusqu’à écouter et photographier les clients. Le Sphinx, autre illustre boxon des années 30, sera protégé par rien moins qu’un ministre de l’Intérieur ! Quant aux confidences d’alcôve recueillies par la célèbre Madame Claude, elles lui vaudront la protection des services secrets des années durant.
L’affaire de la traite des Blanches (1880-1881) : un scandale bruxellois ?, Jean-Michel Chaumont,http://www.brusselsstudies.be
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