La réaction des personnes présentes lors de cette attaque inédite diffère selon les médias. Les sites proches de M. Ahmadinejad, à l'instar de Ghased New, rapportent que "les gens ont scandé des slogans en faveur du président et ont frappé brutalement l'auteur de l'attaque". Pourtant, une lettre anonyme d'un habitant de Saari, largement relayée sur les réseaux sociaux, donne une tout autre version des faits : "En plein discours du président, quelques ouvriers d'une usine de textile fermée récemment, qui n'avaient pas touché leurs arriérés de salaire, ont brandi un drapeau et réclamé leurs droits. Les gens et les ouvriers ont ensuite scandé des slogans contre Ahmadinejad et la situation économique du pays." Selon ce texte, l'attaque à coups de chaussure a mis fin à la cérémonie, et le déjeuner prévu après le discours de M. Ahmadinejad a été annulé.
L'incident a été immédiatement exploité par les adversaires conservateurs du président iranien. Le site Khabaronline – dirigé par Ali Larijani, président du Parlement iranien et proche du Guide suprême, Ali Khamenei, en guerre ouverte avec M. Ahmadinejad – confirme que Rashid Sh. n'était pas le seul, ce jour-là, à exprimer sa colère. D'après ce site, un groupe de travailleurs licenciés du textile "ont fait valoir leurs demandes pendant le discours du président".
Les proches du président n'ont pas tardé à contre-attaquer. Ali-Akbar Tahaie, le gouverneur de la province de Mazandaran, a dépeint Rashid Sh. comme un "voyou", ayant un casier judiciaire à Téhéran. Le site Ghased News est allé jusqu'à écrire qu'il était un habitué de ce genre de provocations et "avait déjà lancé des œufs et des tomates sur l'ancien président réformateur Mohammad Khatami".
Les plus malicieux n'ont pas manqué de rappeler que lorsque George Bush avait été visé par les chaussures du journaliste irakien Mountasser Al-Zaïdi en 2008, Mahmoud Ahmadinejad avait déclaré : "Il y a une différence entre nous, qui sommes très bien accueillis dans les autres pays, et les Américains, qui ne suscitent aucune sympathie chez les autres."
LE SORT OUBLIÉ DES OUVRIERS IRANIENS
Pendant que les cercles au pouvoir à Téhéran réglaient leurs comptes par le truchement de cet incident, peu ont évoqué le sort des ouvriers iraniens. Pourtant, leur situation s'est sérieusement dégradée ces dernières années, en particulier dans le secteur du textile, soumis à la concurrence des importations chinoises. Selon les rapports officiels, le chômage est de 11%. Un chiffre largement contesté par certains analystes (lire l'article d'Enduring America sur la question).
Les retraités souffrent aussi. Nombre d'entre eux ne touchent plus leurs pensions et n'hésitent plus à descendre dans la rue. Ainsi, les travailleurs à la retraite de l'usine d'acier d'Ispahan ont manifesté, le 13 décembre, devant le Parlement.
La suppression des subventions aux produits de base, mise en œuvre depuis un an par M. Ahmadinejad, frappe durement les couches populaires. Selon Fariborz Raisdana, économiste et universitaire basé à Téhéran, "le pouvoir d'achat des ouvriers a drastiquement diminué suite à l'application de cette loi". Selon elle, "60% à 70% de la classe ouvrière sont touchés" par la hausse des prix. En guise de compensation, le gouvernement distribue chaque mois 22 euros par Iranien. Mais les virements arrivent souvent en retard et de nombreuses familles ne touchent jamais l'argent. Ceux qui protestent sont dans le collimateur des autorités.
L'attaque à la chaussure du 12 décembre marque, peut-être, la fin de la légende de Mahmoud Ahmadinejad "serviteur des plus démunis".
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