TOUT EST DIT

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mercredi 5 janvier 2011

Dérive autoritaire en Hongrie

Propos racistes. Dérives verbales. Populisme outrancier. Par ces temps de crise, le ton antidémocratique est particulièrement en vogue en Europe. Le phénomène n'est pas totalement nouveau. Depuis une quinzaine d'années, la rhétorique populiste a connu plusieurs visages. Celui de Haider en Autriche, de Bossi en Italie, de Wilders aux Pays-Bas. La liste complète serait longue. Depuis mai, elle compte un nouveau protagoniste de poids, Viktor Orban, le chef du gouvernement hongrois.

Jusqu'ici, vigilante sur tout ce qui rappelait les cauchemars du XXe siècle, l'Europe a rarement été avare de réactions indignées, dès lors qu'un de ces leaders dérapait lamentablement dans l'invective, le racisme, la brutalité. On se souvient de l'ostracisme dont fut l'objet l'Autriche à la perspective d'une coalition de gouvernement incluant Haider. Or, sur les rives du Danube, de bien pires choses se passent depuis six mois et les avertissements, pourtant ponctuels de la presse internationale, semblent devenus inaudibles. Comme si, à force de crier au loup au moindre hurlement, on avait fini par le laisser entrer sans crier gare.

Que se passe-t-il au juste de si grave ? Une série de mesures gouvernementales, et non plus seulement de propos condamnables, qui sont en contraste patent avec les règles élémentaires de la démocratie et les valeurs de l'Union européenne, telles qu'exprimées très clairement dans le traité de Lisbonne ou la Charte des droits fondamentaux. Fort de son succès électoral au printemps, qui a donné les deux tiers du Parlement à son parti, Fidesz, Viktor Orban n'a de cesse d'éliminer ou de museler tous les contre-pouvoirs qu'une démocratie peut compter.

Il a commencé par placer un homme de confiance à la présidence de la République, puis par limiter les pouvoirs de la Cour suprême en matière financière. Sur simple nomination, il a confié à un conseil la réécriture d'une nouvelle Constitution, annoncée pour le printemps prochain. Enfin - et c'est l'affaire qui suscite l'émoi depuis quelques jours - une nouvelle loi minant très concrètement la liberté de la presse vient d'entrer en vigueur le 1er janvier. Le jour même où la Hongrie prenait la présidence tournante de l'Union européenne. Un semestre qui aurait pu permettre de rendre honneur au courage des Hongrois dans la lutte contre le régime soviétique, en 1956, et l'effondrement du rideau de fer, en 1989.

Le pouvoir exécutif, qui dirige le Parlement, musèle la presse et dicte sa loi au pouvoir judiciaire. Si la séparation des pouvoirs est le principal brevet de démocratie, autant dire que la scène hongroise est en train de devenir un cas d'école d'atteinte systématique à ce principe. Sans parler du contexte politique intérieur, de la présence d'une puissante formation d'extrême droite, comme Jobbik, qui laisse défiler ses militants bardés de croix gammées, ou encore des purges dans la culture subventionnée au nom d'un nouveau nationalisme débridé. Au point de donner la nationalité hongroise à tous les Magyars des pays limitrophes. Viktor Orban « joue avec le feu », relevait, il y a quelques mois, l'ambassadeur américain à Budapest (nous dit WikiLeaks).

Il ne s'agit plus de réagir à des propos ou de décrypter des signaux. Ce sont des atteintes manifestes aux principes fondateurs de l'Union européenne qui sont en cause. La prudence diplomatique, souvent invoquée, est, cette fois, un peu hors sujet, car ce qui se passe à Budapest, comme dans toute l'Union, nous concerne directement.

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