TOUT EST DIT

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lundi 26 avril 2010

Cette culture « qui plaît à tout le monde »


C'est une guerre économique, industrielle et culturelle à laquelle chacun, consommateur et citoyen, participe sans le savoir. Ce que nous voyons à la télévision, ce que nous écoutons comme musique, les livres que nous lisons, nous distraient ; ils nous enrichissent ou nous cultivent. Mais l'enjeu dépasse de loin la satisfaction de nos goûts. Il s'agit du contrôle des mots, des images et des rêves. Car, en cette matière même, nous sommes devenus des consommateurs qu'il faut séduire.

Dans une enquête (1) passionnante et touffue, menée pendant cinq ans dans trente pays, Frédéric Martel a voulu décrire cette globalisation du divertissement. Il s'est intéressé notamment à Hollywood, quartier général de cette guerre où le cinéma demeure le vecteur le plus efficace.

Que l'on soit étudiant à Abou Dhabi ou à Bamako, chômeur à Bucarest ou à Shanghai, la culture américaine continue de faire rêver, et son emprise sur l'industrie du divertissement demeure. Malgré la crise économique, malgré la concurrence nouvelle du Brésil, de l'Inde ou du Japon, les Américains restent dominants, culturellement parlant. Quant à l'Europe, en dépit de ses créations, son influence décline. À part quelques fragiles bastions de résistance, notamment en France, le cinéma américain, les jeux vidéo, comme les séries télévisées fabriquées outre-Atlantique ont définitivement conquis les nouvelles générations. L'anglo-américain s'est, peu à peu, installé dans l'imaginaire européen comme une marque de fabrique. C'est pour cette raison que les publicitaires la cultivent et que le Coca-Cola, les chewing-gums ou les jeans sont encore à la mode.

Le paradoxe, c'est de constater que, si, en Europe, la diversité culturelle a le vent en poupe, c'est moins pour s'opposer à cette efficace production culturelle américaine que pour cultiver un nationalisme identitaire, comme en Catalogne ou en Flandre. Pour y parer, le sociologue Edgar Morin avait parlé de « communauté de destin ». Il voulait nous faire comprendre la nécessité de prendre conscience de notre culture commune. Mais il est probablement trop tard.

L'américanisation tranquille de nos pratiques culturelles sur le Vieux Continent, comme celles du reste du monde, est une réalité. Et son essor est une évidence, pour la raison simple que cette culture-là est la seule qui s'exporte en masse et rapporte autant d'argent. La seule qui ne trouve, face à elle, aucune vraie contestation. La seule qui continue de mener la danse, en matière de création et de diffusion. L'Avatar de James Cameron ou l'iPad de Steve Jobs viennent de nous en fournir des preuves.

(1) Mainstream, enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde, Flammarion.

(*) Professeur associé à l'université de Paris 8.

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